Lectures du 31 décembre (7e jour dans l’octave de Noël), commentées.
Page du manuscrit enluminé des Grandes Heures d’Anne de Bretagne Reine de France (1477-1514). Artiste : Jean Bourdichon (1457–1521).
Le folio présenté donne le prologue de l’évangile selon saint Jean : « In principio erat Verbum, et Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum. Hoc erat in principio apud Deum. Omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil quod factum est. In ipso vita erat, et vita erat lux hominum: et lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non comprehenderunt. Fuit homo missus a Deo, cui nomen erat Joannes. Hic venit in testimonium, ut testimonium perhiberet de lumine, ut omnes crederent per illum. Non erat ille lux, sed ut testimonium perhiberet de lumine. Erat lux vera quae illuminat om(nem hominem etc…) ».
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Première lecture
« C’est de celui qui est saint que vous tenez l’onction, et vous avez tous la connaissance »
Lecture de la première lettre de saint Jean (2, 18-21).
Mes enfants,
c’est la dernière heure
et, comme vous l’avez appris,
un anti-Christ, un adversaire du Christ, doit venir ;
or, il y a dès maintenant beaucoup d’anti-Christs ;
nous savons ainsi que c’est la dernière heure.
Ils sont sortis de chez nous
mais ils n’étaient pas des nôtres ;
s’ils avaient été des nôtres,
ils seraient demeurés avec nous.
Mais pas un d’entre eux n’est des nôtres,
et cela devait être manifesté.
Quant à vous,
c’est de celui qui est saint que vous tenez l’onction,
et vous avez tous la connaissance.
Je ne vous ai pas écrit que vous ignorez la vérité,
mais que vous la connaissez,
et que de la vérité ne vient aucun mensonge.
Psaume 95, 1-2a, 11-12a, 12b-13ab)
R/ Joie au ciel ! Exulte la terre ! (Ps 95, 11)
Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !
Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.
Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
car il vient pour juger la terre.
Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste, sur le psaume entier, à l’occasion de la messe de la nuit de Noël.
PSAUME 95 (96)
1 Chantez au SEIGNEUR un chant nouveau,
chantez au SEIGNEUR, terre entière,
2 chantez au SEIGNEUR et bénissez son nom !
De jour en jour proclamez son salut,
3 racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations, ses merveilles !
4 Il est grand, le SEIGNEUR, hautement loué,
redoutable au-dessus de tous les dieux :
5 néant tous les dieux des nations !
Lui, le SEIGNEUR, a fait les cieux :
6 devant lui, splendeur et majesté,
dans son sanctuaire, puissance et beauté.
7 Rendez au SEIGNEUR, familles des peuples,
rendez au SEIGNEUR la gloire et la puissance,
8 rendez au SEIGNEUR la gloire de son nom.
Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis,
9 adorez le SEIGNEUR, éblouissant de sainteté :
tremblez devant lui, terre entière.
10 Allez dire aux nations : « Le SEIGNEUR est roi ! »
le monde, inébranlable, tient bon.
Il gouverne les peuples avec droiture.
11 Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
12 la campagne tout entière est en fête.
Les arbres des forêts dansent de joie
13 devant la face du SEIGNEUR, car il vient,
car il vient pour juger la terre.
Il jugera le monde avec justice,
et les peuples selon sa vérité !
DANS L’ATTENTE DU JOUR OÙ L’HUMANITÉ RECONNAÎTRA SON SEIGNEUR
C’est trop dommage de ne lire que quelques versets de ce merveilleux psaume 95/96 (la lecture liturgique ne nous en offre que sept) ; nous l’avons donc transcrit en entier. Une espèce de frémissement, d’exaltation court sous tous ces versets. Pourquoi est-on tout vibrants ? Alors que, pourtant, on chante ce psaume dans le Temple de Jérusalem dans une période qui n’a rien d’exaltant ! Mais c’est la foi qui fait vibrer ce peuple, ou plutôt c’est l’espérance… qui est la joie de la foi… l’espérance qui permet d’affirmer avec certitude ce qu’on ne possède pas encore.
Car on est en pleine anticipation : le psaume nous transporte déjà à la fin du monde, en ce jour béni où tous les peuples sans exception reconnaîtront Dieu comme le seul Dieu. Le jour, où enfin l’humanité tout entière aura mis sa confiance en lui seul. Imaginons un peu cette scène que nous décrit le psaume : nous sommes à Jérusalem… et plus précisément dans le Temple ; tous les peuples, toutes les nations, toutes les races se pressent aux abords du Temple, l’esplanade grouille de monde, les marches du parvis du Temple sont noires de monde, la ville de Jérusalem n’y suffit pas… aussi loin que porte le regard, les foules affluent… il en vient de partout, il en vient du bout du monde. Et toute cette foule immense chante à pleine gorge, c’est une symphonie ; que chantent-ils ? « Dieu règne ! » C’est une clameur immense, superbe, gigantesque… Une clameur qui ressemble à l’ovation qu’on faisait à chaque nouveau roi le jour de son sacre, mais cette fois, ce n’est pas le peuple d’Israël qui acclame un roi de la terre, c’est l’humanité tout entière qui acclame le roi du monde : « Il est grand, le SEIGNEUR, hautement loué, redoutable » (toutes ces expressions sont empruntées au vocabulaire de cour »).
En fait, c’est beaucoup plus encore que l’humanité : la terre elle-même en tremble. Et voilà que les mers aussi entrent dans la symphonie : on dirait qu’elles mugissent. Et les campagnes entrent dans la fête, les arbres dansent. A-t-on déjà vu des arbres danser ? Et bien oui, ce jour-là ils dansent ! Bien sûr, si on y réfléchit, c’est normal ! Les mers sont moins bêtes que les hommes ! Elles, elles savent qui les a faites, qui est leur créateur ! Elles mugissent pour Lui, elles l’acclament à leur manière. Les arbres des forêts, eux aussi, sont moins bêtes que les hommes : ils savent reconnaître leur créateur : parmi des tas d’idoles, de faux dieux, pas d’erreur possible, les arbres ne s’y laissent pas prendre.
PROCLAMER LA BONNE NOUVELLE SUR TOUS LES TOITS
Les hommes, eux, se sont laissé berner longtemps… Il suffit de se rappeler le combat des prophètes contre l’idolâtrie au long des siècles ! On entend ici cette même pointe contre l’idolâtrie « néant les dieux des nations ». Il est incroyable que les hommes aient mis si longtemps à reconnaître leur Créateur, leur Père… qu’il ait fallu leur redire cent fois cette évidence que le Seigneur est « redoutable au-dessus de tous les dieux » ; que « c’est LUI, le SEIGNEUR, (sous-entendu « et personne d’autre ») qui a fait les cieux ».
Mais cette fois c’est arrivé ! Et on vient à Jérusalem pour acclamer Dieu parce qu’enfin on a entendu la bonne nouvelle ; et si on a pu l’entendre c’est parce qu’elle était clamée à nos oreilles depuis des siècles ! Oui, « de jour en jour, Israël avait proclamé son salut »… de jour en jour Israël avait raconté l’œuvre de Dieu, ses merveilles, traduisez son œuvre incessante de libération… de jour en jour Israël avait témoigné que Dieu l’avait libéré de l’Égypte d’abord, puis de toutes les sortes d’esclavage : et le plus terrible des esclavages, c’est de se tromper de Dieu, c’est de mettre sa confiance dans de fausses valeurs, des faux dieux qui ne peuvent que décevoir, des idoles…
Israël a cette chance immense, cet honneur inouï, ce bonheur de savoir et d’être chargé de dire que le SEIGNEUR notre Dieu, l’Éternel est le seul Dieu, est le Dieu UN ; comme le dit la profession de foi juive, le « shema Israël » : « Écoute Israël, le SEIGNEUR ton Dieu est le SEIGNEUR UN ». C’est le mystère de la vocation d’Israël dont on n’a pas fini de s’émerveiller ; comme le dit le livre du Deutéronome : « À toi, il t’a été donné de voir, pour que tu saches que c’est le SEIGNEUR qui est Dieu : il n’y en a pas d’autre que lui. » Mais le peuple choisi n’a jamais oublié que s’il lui a été donné de voir, c’est pour qu’il le fasse savoir.
Et alors, enfin, la bonne nouvelle a été entendue jusqu’aux extrémités de la terre… et tous se pressent pour entrer dans la Maison de leur Père. Nous sommes là en pleine anticipation ! En attendant que ce rêve se réalise, le peuple d’Israël fait retentir ce psaume pour renouveler sa foi et son espérance, pour puiser la force de faire entendre la bonne nouvelle dont il est chargé.
Évangile
Le Verbe s’est fait chair
Alléluia, Alléluia.
Le Verbe s’est fait chair,
il a établi parmi nous sa demeure.
à tous ceux qui l’ont reçu,
il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu.
Alléluia. (cf. Jn 1, 14a.12a)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (1, 1-18).
Au commencement était le Verbe,
et le Verbe était auprès de Dieu,
et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement auprès de Dieu.
C’est par lui que tout est venu à l’existence,
et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
En lui était la vie,
et la vie était la lumière des hommes ;
la lumière brille dans les ténèbres,
et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.
Il y eut un homme envoyé par Dieu ;
son nom était Jean.
Il est venu comme témoin,
pour rendre témoignage à la Lumière,
afin que tous croient par lui.
Cet homme n’était pas la Lumière,
mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.
Le Verbe était la vraie Lumière,
qui éclaire tout homme
en venant dans le monde.
Il était dans le monde,
et le monde était venu par lui à l’existence,
mais le monde ne l’a pas reconnu.
Il est venu chez lui,
et les siens ne l’ont pas reçu.
Mais à tous ceux qui l’ont reçu,
il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu,
eux qui croient en son nom.
Ils ne sont pas nés du sang,
ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme :
ils sont nés de Dieu.
Et le Verbe s’est fait chair,
il a habité parmi nous,
et nous avons vu sa gloire,
la gloire qu’il tient de son Père
comme Fils unique,
plein de grâce et de vérité.
Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant :
« C’est de lui que j’ai dit :
Celui qui vient derrière moi
est passé devant moi,
car avant moi il était. »
Tous nous avons eu part à sa plénitude,
nous avons reçu grâce après grâce ;
car la Loi fut donnée par Moïse,
la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
Dieu, personne ne l’a jamais vu ;
le Fils unique, lui qui est Dieu,
lui qui est dans le sein du Père,
c’est lui qui l’a fait connaître.
Commentaires, par Marie-Noëlle Thabut, de ce texte de Jean (voir ses commentaires du jour de Noël).
LA CRÉATION EST LE FRUIT DE L’AMOUR
« Au commencement » : Jean reprend volontairement le premier mot de la Genèse (« Bereshit ») ; il faut entendre la profondeur de ce mot : ce n’est pas une précision d’ordre chronologique ! Ce qui commence, c’est ce qui commande toute l’histoire humaine, c’est l’origine, le fondement de toutes choses …
« Au commencement était le VERBE » : tout est mis sous le signe de la Parole, Parole d’Amour, Dialogue… Voilà l’Origine, le commencement de toutes choses… « Et le Verbe était au commencement auprès de Dieu » (v. 2-3) : en grec c’est « pros ton Théon »qui veut dire littéralement « tourné vers Dieu » ; le Verbe était tourné vers Dieu… C’est l’attitude du dialogue. Quand on dit « Je t’aime », ou quand on dialogue vraiment avec quelqu’un, on lui fait face ; on est « tourné vers lui » ; quand on lui tourne le dos, qu’on se détourne, le dialogue est rompu ; et il faudra faire demi-tour pour renouer le dialogue.
Ce que saint Jean nous dit ici est capital : la Création tout entière, puisque rien n’a été fait sans le Verbe, (la Création tout entière) est le fruit du dialogue d’amour du Père et du Fils ; et nous, à notre tour, nous sommes créés dans ce dialogue et pour ce dialogue. Nous sommes le fruit d’un dialogue d’amour. Bien sûr, c’est vrai concrètement au niveau de l’acte qui nous a engendrés chacun à la vie. Mais, spirituellement, nous pouvons nous dire que nous sommes le fruit de l’amour de Dieu. La vocation de l’humanité, d’Adam, pour reprendre le mot de la Genèse, c’est de vivre un parfait dialogue d’amour avec le Père.
Mais toute notre histoire humaine, malheureusement, étale le contraire. Le récit de la chute d’Adam et Ève, au deuxième chapitre de la Genèse, nous le dit à sa manière : il montre bien que le dialogue est rompu ; l’homme et la femme se sont méfiés de Dieu, ont soupçonné Dieu d’être mal intentionné à leur égard ; c’est le contraire même du dialogue d’amour ! Nous le savons bien : quand le soupçon traverse nos relations, le dialogue est empoisonné. Et, dans notre vie personnelle, toute l’histoire de notre relation à Dieu pourrait être représentée comme cela : nous sommes tantôt tournés vers lui, tantôt détournés et il nous faut alors faire demi-tour pour qu’il puisse renouer le dialogue… « Demi-tour », c’est exactement le sens du mot « conversion » dans la Bible.
NOTRE AVENIR : ENTRER DANS CE DIALOGUE
Le Christ, lui, vit en perfection ce dialogue sans ombre avec le Père : il vient prendre la tête de l’humanité ; j’ai envie de dire : il est le « OUI » de l’humanité au Père. Il vient vivre ce « OUI » au quotidien ; et alors, par lui, nous sommes réintroduits dans le dialogue primordial : « À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. ». « Pouvoir devenir enfants de Dieu », c’est retrouver cette relation filiale, confiante, sans ombre. Et le seul but du Christ, c’est que l’humanité tout entière puisse rentrer dans ce dialogue d’amour ; « ceux qui croient en son nom », ce sont ceux qui lui font confiance, qui marchent à sa suite. « Pour que le monde croie » : c’est le souhait ardent de Jésus : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21). Je reprends une phrase de Kierkegaard : « Le contraire du péché, ce n’est pas la vertu, le contraire du péché, c’est la foi ».
« Croire », c’est faire confiance au Père, savoir en toutes circonstances, quoi qu’il nous arrive, que Dieu est bienveillant, ne jamais soupçonner Dieu, ne jamais douter de l’amour de Dieu pour nous et pour le monde… et du coup, bien sûr, regarder le monde avec ses yeux.
Regarder le monde avec les yeux de Dieu : « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous », cela veut dire qu’il n’y a pas besoin de s’évader du monde pour rencontrer Dieu. C’est dans la « chair » même, dans la réalité du monde que nous lisons sa Présence. Comme Jean-Baptiste, à notre tour, nous sommes envoyés comme témoins de cette Présence.
Commentaires vidéo de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
Fichier audio des lectures du jour, suivies d’un commentaire de 4′ 55 » à 9′ 15 » – Merci à « Évangile et Parole du jour – Cathoglad » !
Méditation du père Gilles.
Prédication du père Michel-Marie Zanotti-Sorkine.
Exposé du père Hervé-Marie Hignard : « Évangile de Jean et les 3 alliances ».
Commentaire Youpray par le frère Thibaut du Pontavice.
Homélie du jour à la basilique Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille.
Homélie de la messe du jour à Notre-Dame-du-Laus.
Homélie du jour, à Notre-Dame de Paris.
Homélie de la messe du jour à Lourdes.
Commentaire de Thierry Jallas.
Comme d’habitude, j’essaie de faire le lien entre les Écritures et la DSÉ (Doctrine Sociale de l’Église), notamment le principe personnaliste. Pour rappel, une formulation de celui-ci se trouve à l’article 135 du Compendium (de la DSÉ) :
« L’homme ne peut tendre au bien que dans la liberté que Dieu lui a donnée comme signe sublime de son image. […] La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure. »
Méditation d’Étienne Tarneaud . Je vous invite à vous abonner gratuitement à ses méditations sur WhatsApp (le contacter au 06 20 14 00 33), pour vous assurer d’en disposer tôt le jour-même.


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