Commentaires (M.-N. Thabut, père Gilles, Cathoglad, etc.) des lectures du 2e dimanche de l’Avant A – 7 12 2025
« Jean-Baptise au désert » par Le Caravage.
Le Caravage, domaine public, via Wikimedia Commons
La Foi prise au Mot du 3/12/2017
L’Attente – série de l’Avent
Cette semaine, La Foi prise au mot débute une série d’Avent avec quatre rendez-vous pour mieux approfondir un thème. Cette année, nous revenons sur le temps liturgique de l’Avent lui-même, en évoquant quatre aspects qui reprennent les textes du dimanche : attente, combat, incarnation et salut. Nous commençons donc avec le thème de l’attente, en nous posant les questions suivantes : qu’est-ce qu’attendre? Quelle différence faire entre attendre et espérer? Et finalement, qu’attendons-nous, et surtout à quoi nous attendons-nous?Pour répondre à ces questions, nous serons en compagnie des trois invités qui vont nous accompagner pendant tout cet Avent : Laurence Devillairs, philosophe, le père Jacques Trublet, jésuite et bibliste, et Michel Boyancé, philosophe.
Avent
Par ce mot, l’Église désigne le temps pendant lequel les chrétiens attendent la venue du Christ qui est fêtée à Noël – environ 4 semaines. Les chrétiens sont appelés à vivre l’attente et la conversion, en compagnie d’Isaïe, de Jean-Baptiste et de Marie. Ils se préparent aussi au retour du Christ à la fin des temps. Entre ces deux venues, saint Bernard en voit une autre, que rappelle Honorine Grasset dans ce nouvel épisode de l’ABC de la Foi. Sans oublier de vous souhaiter une bonne année (liturgique) !
1ère lecture.
LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE 11, 1-10
En ce jour-là,
1 un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David,
un rejeton jaillira de ses racines.
2 Sur lui reposera l’esprit du SEIGNEUR :
esprit de sagesse et de discernement,
esprit de conseil et de force,
esprit de connaissance et de crainte du SEIGNEUR
– qui lui inspirera la crainte du SEIGNEUR.
3 Il ne jugera pas sur l’apparence ;
il ne se prononcera pas sur des rumeurs.
4 Il jugera les petits avec justice ;
avec droiture, il se prononcera
en faveur des humbles du pays.
Du bâton de sa parole, il frappera le pays ;
du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant.
5 La justice est la ceinture de ses hanches ;
la fidélité est la ceinture de ses reins.
6 Le loup habitera avec l’agneau,
le léopard se couchera près du chevreau,
le veau et le lionceau seront nourris ensemble,
un petit garçon les conduira.
7 La vache et l’ourse auront même pâture,
leurs petits auront même gîte.
Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage.
8 Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ;
sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main.
9 Il n’y aura plus de mal ni de corruption
sur toute ma montagne sainte ;
car la connaissance du SEIGNEUR remplira le pays
comme les eaux recouvrent le fond de la mer.
10 Ce jour-là, la racine de Jessé
sera dressée comme un étendard pour les peuples,
les nations la chercheront,
et la gloire sera sa demeure.
Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
L’ARBRE DE JESSÉ
Visiblement, on parlait déjà d’arbres généalogiques à l’époque du prophète Isaïe ! Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici : quand Isaïe parle de la racine de Jessé, ou de la souche de Jessé, cela vise évidemment la dynastie du roi David.
Vous connaissez l’histoire : Jessé avait huit fils. Et, parmi les huit, Dieu a envoyé son prophète Samuel choisir un roi ; or, curieusement, sur les conseils de Dieu, Samuel n’a choisi ni le plus âgé, ni le plus grand, ni le plus fort… mais le plus jeune, celui qui était berger, dans les champs, avec les bêtes. Et c’est ce petit David qui est devenu le plus grand roi d’Israël. Et c’est là que Jessé est devenu célèbre : il est le père du roi David ; il est l’ancêtre d’une longue lignée ; cette lignée, on la représente souvent comme un arbre : un arbre promis à un grand avenir, un arbre qui ne devait jamais mourir.
Car un autre prophète, Nathan, avait été jusqu’à dire à David : Dieu te promet que tes descendants régneront pour toujours et que le peuple connaîtra enfin l’unité parfaite et la paix.
Pour être francs, les fruits de cet arbre ont été plutôt décevants : aucun roi de la dynastie de David n’a pleinement réalisé ces belles promesses ; mais on a toujours et même de plus en plus, continué d’espérer. Car, pour les croyants, l’espérance naît de la déception : puisque Dieu l’a promis, on peut être certains que cela se réalisera, tôt ou tard. C’est comme cela, d’ailleurs, que le mot « Messie » a changé de sens.
Je m’explique : tous les rois, qu’ils soient bons ou mauvais, méritaient le titre de messie puisque « messie » (en hébreu) veut dire tout simplement « frotté d’huile » ; c’est une allusion à l’onction d’huile que recevait le roi le jour de son sacre. Mais, avec le temps, le mot « messie » a fini par être synonyme de « roi idéal », celui qui apporterait le bonheur et la justice sur la terre.
Je peux reprendre maintenant la première phrase du texte d’Isaïe : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton sortira de ses racines ». Ce qu’il dit à ses contemporains, c’est : pour l’instant, vous avez l’impression que toutes ces belles promesses sont envolées et que l’arbre généalogique de David ne produit rien de bon1 ! Mais, même d’un arbre mort, d’une souche, vous savez bien, Dieu peut faire ressurgir un rejeton inattendu. Soyez-en sûrs, tôt ou tard, le messie (au sens de roi idéal) viendra.
Je reprends le texte : un cadre formé par les deux phrases sur l’arbre de Jessé, et à l’intérieur de ce cadre, deux parties ; la première parle de ce roi-messie sur qui reposera l’esprit du Seigneur.
LE ROI-MESSIE FERA LA GUERRE À L’INJUSTICE.
Vous l’avez remarqué, les dons de l’Esprit sont au nombre de 7 parce que, dans la Bible, c’est le chiffre de la plénitude ; vous avez noté aussi l’insistance sur la « crainte du SEIGNEUR » : « Sur lui reposera l’esprit du SEIGNEUR, esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du SEIGNEUR qui lui inspirera la crainte du SEIGNEUR. » À l’époque d’Isaïe, quand on parle de « crainte de Dieu », cela veut dire une attitude filiale, faite de confiance et de respect. Le roi-messie, quand il viendra, se conduira envers Dieu comme un fils, c’est-à-dire qu’il gouvernera son peuple comme Dieu le veut.
Nous comprenons alors l’insistance du prophète sur la justice ; elle sera le mot d’ordre de ce roi idéal : « La justice est la ceinture de ses hanches, la fidélité est la ceinture de ses reins… Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice, avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays ». On sait qu’Isaïe avait de gros reproches à faire à ses contemporains sur ce sujet.
Isaïe continue : « Du bâton de sa parole, il frappera le pays, du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant » ; la formule est un peu surprenante pour nous parce que, dans notre langage moderne, le mot « méchant » semble viser des personnes ; en fait il suffit de le remplacer par le mot « méchanceté » ou injustice ; il nous arrive d’employer l’expression « faire la guerre à la guerre », là on pourrait dire : le roi-messie fera la guerre à l’injustice.
La deuxième partie de ce texte, c’est ce que l’on pourrait appeler la « fable des animaux »2 : cette merveilleuse image de l’harmonie universelle ; il ne s’agit pas d’un retour au Paradis terrestre, il s’agit au contraire de l’aboutissement final du projet de Dieu : le jour où l’Esprit aura fini de nous mener vers la vérité tout entière, comme dit Jésus ; ce jour où enfin « la connaissance du SEIGNEUR remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. »
Enfin, Isaïe rappelle une fois de plus que le projet de Dieu concerne bien l’humanité tout entière : « Ce jour-là, la racine de Jessé sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront ». Plus tard, Jésus dira « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». (Jn 12,32).
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Notes
1 – Isaïe prêche à la fin du huitième siècle av. J.-C., dans une période très troublée où il est bien difficile de garder l’espérance, car le petit royaume de Jérusalem est menacé de toutes parts.
2 – Isaïe écrit sa « fable des animaux », tout comme Jean de La Fontaine faisait semblant de parler d’animaux pour décrire les comportements humains. Cette fable de la « conversion » des animaux est donc une promesse d’un avenir de paix et de fraternité pour les humains.
Complément
Le texte de Martin Luther King « Je fais le rêve » est directement inspiré de ce passage d’Isaïe 11 ainsi que de Isaïe 2,1-5 (lu dimanche dernier, premier dimanche de l’Avent).
Commentaires vidéo de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
Psaume
PSAUME 71 (72), 1-2.7-8.12-13.17
1 Dieu donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
2 Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !
7 En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
8 Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !
12 Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours
13 Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.
17 Que son nom dure toujours ;
sous le soleil, que subsiste son nom !
En lui, que soient bénies toutes les familles de la terre ;
que tous les pays le disent bienheureux !
Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
DANS L’ATTENTE DU MESSIE PROMIS
« Dieu donne au roi tes pouvoirs » : c’est une prière … « Qu’il gouverne ton peuple avec justice », c’est un souhait. Ce sont les mots mêmes que l’on disait lors du sacre d’un nouveau roi… Nous sommes au temple de Jérusalem… mais curieusement, ce psaume a été composé et chanté après l’Exil à Babylone, (donc entre 500 et 100 av. J.-C.) c’est-à-dire à une époque où il n’y avait déjà plus de roi en Israël ; ce qui veut dire que cette prière, ce souhait ne concernent pas un roi en chair et en os… ils concernent le roi qu’on attend, que Dieu a promis, le roi-messie. Et puisqu’il s’agit d’une promesse de Dieu, on est sûr qu’elle se réalisera.
La Bible tout entière est traversée par cette espérance indestructible : l’histoire humaine a un but, un sens ; et le mot « sens » veut dire deux choses : à la fois « signification » et « direction ». Dieu a un projet. Ce projet inspire toutes les lignes de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments : il porte des noms différents selon les auteurs. Par exemple, c’est le « Jour de Dieu » pour les prophètes, le « Règne des cieux » pour saint Matthieu, le « dessein bienveillant » pour saint Paul, mais c’est toujours du même projet qu’il s’agit. Comme un amoureux répète inlassablement des mots d’amour, Dieu propose inlassablement son projet de bonheur à l’humanité. Ce projet sera réalisé par le Messie et c’est ce Messie que les croyants appellent de tous leurs vœux lorsqu’ils chantent ce psaume au temple de Jérusalem.
Son projet de bonheur, Dieu l’avait déjà annoncé dès sa première parole à Abraham, au chapitre 12 de la Genèse, alors que celui-ci ne s’appelait encore que Abram ; Dieu lui avait promis : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » (Gn 12,3 1). Je crois qu’il est très important de ne jamais oublier que dès le début de la révélation biblique, il est clair que l’humanité tout entière est concernée, même si on ne l’a pas compris tout de suite. Le peuple d’Israël a découvert peu à peu qu’il est élu non pas pour garder son beau secret pour lui tout seul, mais pour annoncer au monde le projet de Dieu.
Notre psaume ne dit pas autre chose : « En lui (sous-entendu le roi-messie) que soient bénies toutes les familles de la terre ; que tous les pays le disent bienheureux ».
Un autre verset que nous avons lu également reprend une autre promesse de Dieu à Abraham, au chapitre 15 de la Genèse cette fois : « Le SEIGNEUR conclut une Alliance avec Abram en ces termes : À ta descendance je donne le pays que voici, depuis le Torrent d’Égypte jusqu’au Grand fleuve, l’Euphrate » (Gn 15,18). Et le psaume répond en écho : « Qu’il domine de la mer à la mer et du Fleuve jusqu’au bout de la terre ! » Plus tard, le livre de Ben Sirac (« l’Ecclésiastique ») rapprochera toutes ces promesses faites à Abraham ; on y lit : « Dieu lui assura par serment que les nations seraient bénies en sa descendance, qu’il le multiplierait autant que la poussière sur la terre, qu’il exalterait ses descendants comme les étoiles ; il leur donnerait un héritage allant de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu’à l’extrémité de la terre. » (Si 44,21)
Nous qui sommes assez chatouilleux sur la démocratie, sommes peut-être un peu surpris qu’on puisse tant rêver d’un roi et d’un roi qui domine sur toute la planète « de la mer à la mer et du Fleuve jusqu’à l’extrémité de la terre ! » ; nos empereurs les plus ambitieux n’ont jamais osé rêver jusque-là. Mais il ne faut pas oublier que, dans la Bible, c’est en définitive le peuple qui est au centre de la promesse : le roi n’est qu’un instrument dans la main de Dieu, un instrument au service du peuple. Et ce peuple aura la dimension de l’humanité.
EN CES JOURS-LÀ FLEURIRA LA JUSTICE
Une humanité enfin fraternelle et pacifique où plus personne ne connaîtra l’humiliation : « En ces jours-là fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des lunes ! » Enfin sera réalisé le rêve de justice et de paix qui hante toute l’humanité depuis les origines : ce n’est pas pour rien que le nom même de « Jérusalem », en hébreu, veut dire « ville de la paix » ; mais Bagdad, aussi veut dire « demeure de la paix », tout autant que Dar-Es-Salam ; parce que tous les peuples en rêvent depuis toujours.
Et c’est la force incroyable, l’audace de la Bible d’affirmer contre vents et marées, et contre toutes les apparences contraires, que le jour de la paix viendra. Et comme justice et paix vont ensemble, « justice et paix s’embrassent » dit même le psaume 84/85, il n’y aura plus de pauvre à la surface de la terre ; alors la terre sera vraiment « sainte » comme elle doit être ; cet idéal-là court lui aussi tout au long de la Bible ; le livre du Deutéronome disait « Il n’y aura pas de pauvre chez toi » (Dt 15,4). Le psaume s’inscrit dans cette ligne : « Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie. »
Tout ce psaume rappelle donc la promesse de Dieu et lui demande de hâter ce jour… non pas que Dieu risque d’oublier ses promesses ! Au contraire, si les pèlerins assemblés au temple de Jérusalem redisent ce psaume sur le roi-messie, c’est parce qu’ils savent que Dieu n’oublie pas son projet. Quand nous prions, il ne s’agit pas de rappeler à Dieu quelque chose qu’il risquerait d’ignorer ou d’oublier… Quand nous prions, nous apprenons à regarder le monde avec les yeux de Dieu ; nous nous replaçons devant le projet de Dieu pour raviver notre espérance et pour trouver la force de travailler à l’accomplissement de la promesse. Car la paix, la justice, le salut des pauvres et des malheureux ne viendront pas par un coup de baguette magique : à nous de prier, de faire nôtre le projet de Dieu, et de nous laisser guider par l’Esprit Saint pour nous engager dans ce combat. Avec sa lumière, avec sa force, avec sa grâce, nous y arriverons.
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Note
1 – À partir du texte hébreu, ce verset (Gn 12,3) peut s’entendre de deux manières, et ces deux manières ne s’excluent pas l’une l’autre, au contraire elles s’additionnent : d’abord « Par toi se béniront toutes les familles de la terre » : c’est-à-dire, quand elles se souhaiteront du bien, toutes les familles de la terre feront référence à toi comme un modèle de réussite ; on dira « puisses-tu réussir comme notre père Abraham » ; deuxième traduction : « À travers toi, Abraham, grâce à toi, toutes les familles de la terre seront bénies, c’est-à-dire connaîtront le bonheur. » (à condition qu’elles veuillent bien entrer dans ce projet, bien sûr).
Commentaires vidéo de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
2e lecture
LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ROMAINS 15, 4-9
Frères,
4 tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints
l’a été pour nous instruire,
afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures,
nous ayons l’espérance.
5 Que le Dieu de la persévérance et du réconfort
vous donne d’être d’accord les uns avec les autres
selon le Christ Jésus.
6 Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix,
vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.
7 Accueillez-vous donc les uns les autres,
comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu.
8 Car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs,
en raison de la fidélité de Dieu,
pour réaliser les promesses faites à nos pères ;
9 quant aux nations, c’est en raison de sa miséricorde
qu’elles rendent gloire à Dieu,
comme le dit l’Écriture :
« C’est pourquoi je proclamerai ta louange parmi les nations,
je chanterai ton nom. »
Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
L’ÉCRITURE, SOURCE D’ESPÉRANCE
Voilà une phrase à écrire en lettres d’or : « Tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire, afin que nous ayons l’espérance. »
Être convaincu que l’Écriture n’a qu’un but, celui de nous instruire, qu’elle est pour nous source d’espérance, c’est la meilleure clé pour l’aborder. À partir du moment où nous abordons la Bible avec cet a priori positif, les textes s’éclairent. Pour le dire autrement, l’Écriture est toujours Bonne Nouvelle ; concrètement, cela veut dire que si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c’est que nous ne les avons pas compris. Ce n’est pas un péché de ne pas comprendre, il faut seulement continuer à travailler pour découvrir la Bonne Nouvelle qui est toujours dans l’Écriture.
Quand nous acclamons la Parole de Dieu à la messe, ou bien quand nous disons « Évangile, (c’est-à-dire Bonne Nouvelle) de Jésus-Christ notre Seigneur », ce n’est pas une simple façon de parler. C’est le contenu même de notre foi ; comme dirait La Fontaine « Un trésor est caché dedans » ; à nous de creuser le texte pour le découvrir.
Pas étonnant que l’Écriture nourrisse notre espérance puisqu’elle n’a en définitive qu’un seul sujet, l’annonce du fantastique projet de Dieu, ce que Paul appelle le « dessein bienveillant de Dieu », c’est-à-dire la parole d’amour de Dieu à l’humanité.
Revenons à notre lettre aux Romains : Paul continue par un rappel à l’ordre bien concret adressé aux chrétiens de Rome : « Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous a accueillis » ; on peut en déduire aussitôt qu’il y avait un problème. On ne sait pas par qui Paul était informé de ce qui se passait dans cette communauté où il n’était jamais allé.
Mais à lire entre les lignes, on devine qu’il y avait un conflit entre deux camps, les chrétiens d’origine juive et ceux d’origine païenne : les premiers restaient attachés à l’observance de toutes les pratiques juives, en matière de nourriture notamment, et les seconds trouvaient ces exigences périmées.
Nous connaissons bien ce problème qui a empoisonné très vite la vie des communautés chrétiennes : selon les lieux et les communautés, il pouvait jouer dans les deux sens : soit les chrétiens d’origine juive voulaient imposer les pratiques juives à ceux qui étaient issus du paganisme ; soit les chrétiens issus du paganisme se considéraient comme des esprits supérieurs parce qu’ils ne s’astreignaient pas à des pratiques jugées surannées. À Rome il s’agit peut-être de ce second cas. En tout cas il est clair que la discorde et peut-être le mépris s’installait.
ACCUEILLEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES COMME LE CHRIST VOUS A ACCUEILLIS
Nous-mêmes au vingt-et-unième siècle, ne sommes pas exempts de querelles de ce genre : les camps portent d’autres noms mais à l’intérieur de la seule Église catholique, les diversités de sensibilités sont devenues des divergences et de véritables conflits parfois. La différence, c’est qu’aujourd’hui, pour éviter les conflits, chacun choisit sa paroisse ou son groupe, le lieu qui lui convient… Il n’est pas sûr qu’à terme, ce soit la solution la plus pacifique…
À Rome on essayait l’autre solution, celle de la cohabitation. Paul ne leur dit pas : séparez-vous, coupez la communauté en deux, les chrétiens d’origine juive d’un côté, et ceux d’origine païenne de l’autre ; il leur donne, au contraire, des conseils de cohabitation.
Dans les versets qui précèdent notre passage d’aujourd’hui, il leur a dit : « Recherchons donc ce qui contribue à la paix et ce qui construit les relations mutuelles » (14,19) et « Que chacun de nous fasse ce qui plaît à son prochain, en vue du bien, dans un but constructif » (sous-entendu pour édifier la communauté) (15,2). Paul veut dire par là que chacune de nos communautés chrétiennes est un édifice à construire au jour le jour ; encore faut-il que nous y mettions un peu du ciment de la patience et de la tolérance. Ici, il leur dit : « Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus. »
Comme toujours, la règle de la conduite des chrétiens doit être d’imiter le Christ lui-même : « Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous a accueillis ». Et qu’a fait le Christ ? Paul précise : « le Christ s’est fait le Serviteur des Juifs », ce qui est une allusion au personnage du serviteur décrit par Isaïe. Vous vous souvenez de ces quatre textes des chapitres 42 à 53 du livre d’Isaïe qui décrivent le Serviteur de Dieu 1 : choisi par Dieu, (le texte dit même qu’il est « l’Élu » de Dieu), le Serviteur, instruit chaque matin par la Parole, donne sa vie pour ses frères et grâce au don de sa vie, il sauve ses frères, et mieux encore, le salut de Dieu parvient à toutes les nations.
Manifestement quand Paul écrit aux Romains, il est imprégné de ces quatre textes. Et il relit la vie du Christ à leur lumière. Grâce au don que Jésus a fait de sa vie, tous sont sauvés, les Juifs à cause de l’Alliance avec Israël, les anciens païens par pure grâce. Il n’est donc pas question pour qui que ce soit d’invoquer une quelconque supériorité, tout est l’œuvre du Christ : « Le Christ s’est fait le Serviteur des Juifs en raison de la fidélité de Dieu… quant aux nations, c’est en raison de sa miséricorde qu’elles rendent gloire à Dieu ».
Conclusion : accueillez-vous mutuellement, juifs ou païens devenus chrétiens, ne vous occupez plus de votre passé respectif, chantez seulement la gloire de Dieu, sa fidélité pour les uns, sa miséricorde pour les autres.
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Note
1 – Voici les références des quatre « Chants du Serviteur » dans le livre d’Isaïe :
Is 42,1-7 ; Is 49,1-6 ; Is 50,4-7 ; Is 52,13-53,12
Commentaires vidéo de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
Évangile.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU 3, 1-12
1 En ces jours-là,
paraît Jean le Baptiste,
qui proclame dans le désert de Judée :
2 « Convertissez-vous,
car le royaume des Cieux est tout proche. »
3 Jean est celui que désignait la parole
prononcée par le prophète Isaïe :
« Voix de celui qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du SEIGNEUR,
rendez droits ses sentiers. »
4 Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau,
et une ceinture de cuir autour des reins ;
il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage.
5 Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain
se rendaient auprès de lui,
6 et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain
en reconnaissant leurs péchés.
7 Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens
se présenter à son baptême,
il leur dit :
« Engeance de vipères !
Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?
8 Produisez donc un fruit digne de la conversion.
9 N’allez pas dire en vous-mêmes :
‘Nous avons Abraham pour père’ ;
car, je vous le dis :
des pierres que voici,
Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham.
10 Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres :
tout arbre qui ne produit pas de bons fruits
va être coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l’eau,
en vue de la conversion.
Mais celui qui vient derrière moi
est plus fort que moi,
et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales.
Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
12 Il tient dans sa main la pelle à vanner,
il va nettoyer son aire à battre le blé,
et il amassera son grain dans le grenier ;
quant à la paille,
il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
LA PRÉDICATION DE JEAN-BAPTISTE
Quand Jean-Baptiste commence sa prédication, l’occupation romaine dure depuis quatre-vingt-dix ans à peu près : le roi Hérode a été laissé en place par les Romains mais il est unanimement détesté ; les partis religieux sont divisés et on ne sait plus très bien qui croire ; il y a les collaborateurs et les résistants… régulièrement un exalté fait parler de lui, promet le salut, mais cela se termine toujours mal.
C’est dans ce contexte que Jean-Baptiste se met à prêcher ; il vit dans le « désert » de Judée (entre le Jourdain et Jérusalem) ; à vrai dire cette région n’est pas totalement désertique, mais ce qui intéresse Matthieu1, ce n’est pas le degré de sécheresse, c’est le sens spirituel du désert : il a en tête toute la résonance de l’expérience d’Israël au désert pendant l’Exode et la méditation des prophètes sur l’Alliance conclue là-bas dans la ferveur de ce que le prophète Osée appelle des fiançailles.
Jean-Baptiste paraît et tout, son vêtement2 de poils de chameau comme sa nourriture (sauterelles et miel sauvage qui sont typiques des ascètes du désert), l’apparente aux grands prophètes de l’Ancien Testament. Certains même ont pensé qu’il était peut-être le prophète Élie dont on attendait le retour pour la fin des temps (cf Ml 3,233). Par sa prédication aussi, Jean-Baptiste rejoint les prophètes : comme eux, il a un double langage, doux, encourageant pour les humbles, dur, menaçant pour les orgueilleux. Le but, c’est de rassurer les petits, mais de réveiller ceux qui se croient arrivés, comme on dit… ou plus exactement d’attirer leur attention sur leurs comportements. Par exemple, plus qu’une insulte, l’expression « Engeance de vipères »4 est une mise en garde : cela revient à dire « vous êtes de la même race que le serpent tentateur, le ‘diviseur’ du Paradis terrestre ».
Ses auditeurs, habitués au langage des prophètes, savent bien qu’au fond, ce n’est pas à des personnes ou à des catégories de personnes qu’il s’en prend, mais à des manières d’être. Jean-Baptiste annonce donc le jugement comme un tri qui se fera non pas entre des personnes, mais à l’intérieur de chacun de nous.
JÉSUS NOUS PLONGE DANS LE FEU DE L’ESPRIT
Pour cela il emploie l’image du feu : nous l’avions rencontrée dans le même sens chez Malachie, il n’y a pas longtemps. Vous vous souvenez qu’il disait : « Voici que vient le jour du SEIGNEUR, brûlant comme la fournaise… » (Ml 3, 19 ; 33e dimanche de l’année C) : tout ce qui est mort, desséché, (entendons dans nos manières d’être), sera coupé, brûlé… mais on sait bien que si le jardinier fait ce tri, c’est pour permettre aux branches bonnes de se développer. Le cultivateur fait un tri analogue au moment de la moisson : le grain sera amassé dans le grenier, la paille sera brûlée ; ce qui est bon, en chacun de nous, même si c’est très peu, sera précieusement engrangé.
Cela aussi, c’est une Bonne Nouvelle : il y a en chacun de nous des comportements, des manières d’être, dont nous ne sommes pas très fiers… ceux-là, nous en serons débarrassés. Mais tout ce qui, en chacun de nous, peut être sauvé sera sauvé.
Jean-Baptiste dit bien que c’est Jésus qui fera ce tri : « celui qui vient derrière moi… vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Cela revient à dire que Jésus de Nazareth est Dieu. Car dans tout l’Ancien Testament, Dieu a été présenté comme le seul juge, celui qui sonde les reins et les cœurs, celui qui connaît tout homme en vérité.
Jean-Baptiste a encore une autre manière très imagée de nous dire qui est Jésus : « Celui qui vient derrière moi est plus fort que moi » (il faut savoir que dans la Bible, l’adjectif « fort » est habituellement appliqué à Dieu) « et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales ». Il faut imaginer la scène : bien évidemment, pour entrer dans le Jourdain, si on est chaussé, il faut se déchausser ; quand un homme important avait un esclave, c’était l’esclave qui défaisait ses sandales ; mais s’il avait un disciple, le disciple considérait qu’il était au-dessus de l’esclave et il ne s’abaissait pas à défaire les sandales de son maître.
Jean-Baptiste dit : « Moi, je ne mérite pas d’être considéré comme un disciple de Jésus ; je ne mérite même pas d’être considéré comme son esclave, je ne suis même pas digne de dénouer ses sandales ». Le plus piquant dans l’histoire, c’est que celui qui jusque-là était en position de maître suivi par des disciples, c’était justement Jean-Baptiste et non Jésus. Pourquoi Jean-Baptiste s’efface-t-il ainsi devant le nouveau venu ?
Parce que Jésus est celui qui baptisera, c’est-à-dire qui plongera l’humanité dans le feu de l’Esprit Saint : « Moi, je baptise5 dans l’eau (sous-entendu parce que je ne suis qu’un homme), lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint ». Qui dispose à son gré de l’Esprit de Dieu, sinon Dieu lui-même ? Si le prophète Joël était là, au bord du Jourdain, il pourrait dire : vous voyez, je vous l’avais bien dit, le jour est enfin venu où Dieu répand son esprit sur toute chair.
À nous de nous laisser emporter dans ce feu.
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Notes
1 – Matthieu nous dit : « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du SEIGNEUR, rendez droits ses sentiers ». C’est une citation d’Isaïe (40,3).
2 – Élie était reconnaissable à son vêtement : « Il portait un vêtement de poils et un pagne de peau autour des reins. » (2 R 1, 8).
3 – Malachie 3,23 : « Voici que je vais vous envoyer Élie, le prophète, avant que ne vienne le jour du SEIGNEUR. »
4 – « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? » Entendons-nous bien, Jean-Baptiste ne dit pas aux sadducéens, ni aux pharisiens, pas plus qu’au petit peuple, que tout est perdu. Il n’a de haine ni pour les uns ni pour les autres. Je crois bien qu’à tous il dit : « de vous tous, de toutes vos souches, comme de la racine de Jessé, un rejeton peut encore sortir » (cf la première lecture).
5 – « Moi, je vous baptise dans l’eau » : un rite de baptême, c’est-à-dire de plongée dans l’eau, était donc déjà pratiqué avant Jésus-Christ, celui-ci ne l’a pas inventé. Mais il en a changé le sens.
Complément
Matthieu a commencé son Évangile par l’arbre généalogique de Jésus, histoire de nous montrer que celui-ci est vraiment le Messie puisqu’il descend directement de David ; puis il a raconté l’annonce à Joseph, la visite des mages, la fuite en Égypte et le massacre des saints innocents, et enfin le retour d’Égypte et l’installation de la sainte Famille à Nazareth. Ce sont ses deux premiers chapitres, une sorte de prologue qui dit déjà tout du mystère de Jésus ; fils de David, fils de Dieu, roi véritable… mais aussi déjà persécuté : l’affrontement final est déjà esquissé dans ces épisodes du début de sa vie terrestre. Dans le texte d’aujourd’hui, Matthieu nous dit de plusieurs manières que Jésus est Dieu.
Nous voilà donc au chapitre 3 qui commence par « En ces jours-là paraît Jean le Baptiste ». Les deux chapitres 3 et 4 sont certainement une charnière dans l’évangile de Matthieu : c’est là, avec Jean-Baptiste, que commence la prédication du Règne des cieux. Et si l’on compare l’entrée en scène, si j’ose dire, de Jean-Baptiste et de Jésus, il est clair que Matthieu a volontairement fait un parallèle entre les deux. Pour n’en donner qu’un exemple, quelques versets plus bas, il emploie pour Jésus la même formule : « Alors paraît Jésus ».
Commentaires vidéo de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.
Homélie / étude biblique du père Julien Fleuy, du diocèse de Marseille, pour Culture-Bible.
Méditation du père Gilles Vadon, prêtre du diocèse de Lyon et membre de la famille du Prado.
Homélie pour le 2e dimanche de l’Avent, par le frère Dominique Joseph, prêtre de la Famille-de-Saint-Joseph.
Homélie de Don Pascal Boulic (communauté Saint-Martin), chapelain des sanctuaires de Lourdes, le 9 décembre 2019, pour Le-jour-du-Seigneur.
Homélie de Mgr Michel Aupetit, 7 décembre 2025.
Commentaire liturgique, par le père Hervé-Marie Hignard, pour « Ta parole est vérité ».
Homélie du 2e dimanche de l’Avent A, par le frère Thibaut du Pontavice, le 8 décembre 2019, à l’église de Saint-Herblon.
Homélie du frère Thibaut du Pontavice, le 4/12/2022, 4 décembre 2022 à l’église Saint-Méen de Cancale.
Méditation d’Étienne Tarneaud . Je vous invite à vous abonner gratuitement à ses méditations sur WhatsApp (le contacter au 06 20 14 00 33).
Commentaires de Thierry Jallas.
Ceux-ci visent essentiellement à faire le lien entre les textes bibliques et la DSÉ (Doctrine Sociale de l’Église), et notamment son principe de base, le principe personnaliste ou principe de la dignité de toute personne humaine. Selon ce principe, « L’homme ne peut tendre au bien que dans la liberté que Dieu lui a donnée comme signe sublime de son image. […] La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle, et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure. » (Compendium de la DSÉ, article 135).
Mes commentaires porteront sur 3 points.
- Je trouve très éclairant pour la conscience le commentaire que fait Marie-Noëlle Thabut de la première lecture, dans ce passage : « Quand nous prions, il ne s’agit pas de rappeler à Dieu quelque chose qu’il risquerait d’ignorer ou d’oublier… Quand nous prions, nous apprenons à regarder le monde avec les yeux de Dieu ; nous nous replaçons devant le projet de Dieu pour raviver notre espérance et pour trouver la force de travailler à l’accomplissement de la promesse. Car la paix, la justice, le salut des pauvres et des malheureux ne viendront pas par un coup de baguette magique : à nous de prier, de faire nôtre le projet de Dieu, et de nous laisser guider par l’Esprit Saint pour nous engager dans ce combat. » Cela me fait penser, par exemple, à des intentions de prière universelle que j’entends régulièrement, notamment dans ma paroisse, lorsque celle-ci reprend telle ou telle intention de Prions-en-Église. Par exemple, pour le 7 décembre 2025 : « Béni sois-tu, toi notre Père, pour les responsable politiques, appelés à gouverner avec équité et justice. Donne-leur d’œuvrer en faveur de la paix, dans le souci des plus faibles et des plus malheureux. »
Je ne crois pas que le projet de Dieu soit que les responsables politiques se substituent à lui, le Roi de l’univers, pour être nos bons bergers, pour gouverner le monde avec justice, pour nous donner leur paix, pour avoir souci du faible et du malheureux, etc. Ce n’est pas ce que je lis dans la Bible. Bien au contraire, je lis que le Christ nous recommande de ne pas imiter les chefs des nations et les grands (voir plus bas).
Prier pour les dirigeants politique, c’est à mon avis nous laisser guider par l’Esprit Saint pour trouver comment les aider à se libérer de leur addiction à « faire sentir leur pouvoir » et « se conduire en maîtres ». Ce n’est certainement pas en faire des idoles, susceptibles de nous apporter des biens dont seul Dieu peut nous combler ! - Dans le commentaire de Marie-Noëlle Thabut sur l’évangile du jour, je lis « Jean-Baptiste annonce donc le jugement comme un tri qui se fera non pas entre des personnes, mais à l’intérieur de chacun de nous.« . Je trouve cela très éclairant pour ma conscience et très libérateur : je n’ai pas à redouter le jugement de Dieu, car celui-ci consistera, non pas à décider si je vais au paradis ou en enfer, mais à me débarrasser de tout ce qui, en moi, est mort, desséché, de toutes mes scories (image de l’or que l’on purifie par le feu).
- Je recommande d’écouter l’homélie du frère Dominique Joseph, notamment le passage allant de 6′ 18″ à 10′ 22″, où il est question, à propos des 12 pierres bordant le Jourdain, de filiation (selon les hommes / selon l’Esprit). Si je le comprends bien, le frère Joseph développe l’idée, à laquelle je souscris, que tous les malheurs des hommes viennent de leur soif de pouvoir, au mépris de l’enseignement du Christ (voir Mt 20, 25-26a : « les chefs des nations les commandent en maîtres et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi ») et de saint Paul (voir Ep 5, 20 : « Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres »).
Nous sommes donc invités à nous libérer de cette soif de pouvoir qui nous habite tous, à des degrés divers.
Voici la transcription de ce passage :« Puisque leur problème, ou leur péché a pour racine leur conception de la filiation. « Engeance », c’est pas tellement vipère (bien sûr on pense au serpent, à l’antique serpent), mais c’est la question de la filiation qui est au centre, et particulièrement que veut dire être fils d’Abraham. Et je pourrais apporter en argument – et il faudrait pour cela faire un petit passage par les jeux de mots qui existent en hébreu puisque le pluriel du mot fils, en hébreu, c’est « banim » et « les pierres » c’est « avanim » – mais je ne vous en parle pas, ce serait compliquer les choses.
Soulignons simplement que « des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham », c’est un jeu de mots qui est là et qui renvoie à l’Écriture. L’hébreu, ça renvoie au Premier Testament. Les pierres qui sont là, au bord du Jourdain, ce sont les 12 pierres dont on parle dans le livre de Josué, au chapitre 4, les 12 pierres qui témoignent de l’identité filiale des fils d’Israël, des 12 tribus : 12 pierres pour montrer que dans le projet de Dieu et dans leur vie filiale, le rapport entre elles devait être celui d’une confrérie, celui d’une confédération ; je ne sais pas quel est le mot qui convient le mieux mais en tout cas, pas une royauté. Donc les 12 pierres au bord du Jourdain témoignent que dans le désir de Dieu, dans la vocation d’Israël, il n’y avait pas la monarchie. La monarchie, c’est le fils qui cède à sa volonté de puissance : « Je veux être comme les nations, et bien sûr avoir un roi plus grand que celui des nations parce que j’ai un Dieu plus grand que celui des nations ». Les pierres qui sont là au bord du Jourdain témoignent que ces fils d’Abraham ont cédé à la volonté de puissance. Et particulièrement, les fils d’Abraham reconnaissent implicitement, même s’il n’est pas nommé, qu’ils ont pour frère aîné Isaac, Isaac le fils de la promesse, le fils que Dieu donne. Et vous vous souvenez justement que toute l’histoire d’Abraham montre la difficulté de sa relation avec Isaac, hein. D’abord, il a fallu 6 chapitres avant la naissance d’Isaac, entre la promesse de Dieu et la naissance d’Isaac, 6 longs chapitres qui montrent comment Abraham se débat dans ses propres problèmes, personnels, de couple, la préférence qu’il donne à Ismaël. Bref, quand il s’agit de filiation et que les hommes font les choses à leur manière, ils mettent le projet de Dieu en échec. C’est ça, d’abord, se rappeler ce que c’est qu’être fils d’Abraham. C’est se rappeler que les hommes s’y prennent mal dans la paternité et que toute filiation se reçoit de Dieu. Bien, et dès lors nous comprenons mieux pourquoi l’Église nous propose ce passage du livre d’Isaïe en première lecture. Quand les hommes sont en échec dans la filiation, qu’ils ne savent plus comment être fils, ils sont tenus dans l’impasse de la mort, et bien Isaïe, un autre prophète, un autre très grand prophète a le courage de regarder l’échec d’Israël à la lumière des écritures. Et quand il scrute les écritures, il retrouve la trace d’un rameau qui doit sortir de la souche de Jessé. Vous voyez en quoi cette prophétie est magnifique : c’est que les dynasties royales s’appuient sur la préférence de la filiation et notamment du fils aîné, évidemment, et elles tirent leur puissance et leur orgueil sur la succession généalogique qui leur sert de référence et de crédit. C’est ce que disent ces Pharisiens et ces Sadducéens, que « nous sommes fils d’Abraham ». La filiation, la généalogie leur sert d’assurance. Donc la conversion profonde que Jean-Baptiste leur demande consiste à renoncer à leur volonté de puissance qui a engendré une royauté pour accepter d’être fils selon l’Esprit, c’est-à-dire de vivre entre eux comme des frères. Et ainsi, Isaïe voit venir un roi, un nouveau roi, mais pas un roi comme les hommes en ont inventé.«
Commentaires vidéo complets (4 lectures) de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.


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