Commentaires (par M.-N. Thabut, le père Gilles, Cathoglad, etc.) des lectures de la solennité de l’Immaculée Conception – 08 12 2025
La Sainte Vierge Marie, ‘Immaculée Conception’ – Mosaïque d’Edgard Maxence.
Chapelle Sainte-Bernadette, Basilique Notre-Dame-du-Rosaire de Lourdes.
Photo (détail) de Dennis G. Jarvis, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons
Vidéo de KTO-TV sur l’Immaculée Conception, par Mgr Jean-Marie Levert (20 juin 2017).
L’Immaculée Conception, qu’est-ce que c’est ?
Émission « Mille questions à la foi » du 8 décembre 2008 sur KTO-TV.
Homélie de Mgr Aveline, le 8 décembre 2020.
Première lecture
« Je mettrai une hostilité entre ta descendance et la descendance de la femme »
Lecture du livre de la Genèse (3, 9-15.20).
Quand Adam eut mangé du fruit de l’arbre,
le Seigneur Dieu l’appela et lui dit :
« Où es-tu donc ? »
L’homme répondit :
« J’ai entendu ta voix dans le jardin,
j’ai pris peur parce que je suis nu,
et je me suis caché. »
Le Seigneur reprit :
« Qui donc t’a dit que tu étais nu ?
Aurais-tu mangé de l’arbre
dont je t’avais interdit de manger ? »
L’homme répondit :
« La femme que tu m’as donnée,
c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre,
et j’en ai mangé. »
Le Seigneur Dieu dit à la femme :
« Qu’as-tu fait là ? »
La femme répondit :
« Le serpent m’a trompée,
et j’ai mangé. »
Alors le Seigneur Dieu dit au serpent :
« Parce que tu as fait cela,
tu seras maudit parmi tous les animaux
et toutes les bêtes des champs.
Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière
tous les jours de ta vie.
Je mettrai une hostilité entre toi et la femme,
entre ta descendance et sa descendance :
celle-ci te meurtrira la tête,
et toi, tu lui meurtriras le talon. »
L’homme appela sa femme Ève (c’est-à-dire : la vivante),
parce qu’elle fut la mère de tous les vivants.
Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, extraits de ses commentaires des lectures du 10e dimanche du temps ordinaire, année B.
LA CONNAISSANCE HORS DE PORTÉE
On se souvient du récit de la Genèse : Dieu plante un jardin, peuplé d’arbres de toute sorte ; au centre du jardin, l’arbre de la vie, et puis, quelque part, dans ce même jardin, un autre arbre, celui de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. Notons-le bien au passage, le texte ne dit pas de manière précise où est ce deuxième arbre.
Dieu confie ce jardin à l’homme pour qu’il le cultive et qu’il le garde ; la consigne est simple : « Tu pourras manger de tous les arbres du jardin, sauf d’un seul, celui-là, précisément, l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. » Puis Dieu crée la femme ; survient un serpent qui entame la conversation : « Alors, comme cela, Dieu a dit de ne pas manger de tous les arbres du jardin ? »* La femme est bien honnête, elle rectifie le propos : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.” » Elle est bien honnête, oui, et elle croit rectifier le propos, mais, sans le savoir, elle déforme déjà la vérité : le seul fait d’être entrée en conversation avec le serpent a déjà faussé son regard : on pourrait dire désormais que « l’arbre lui cache la forêt ». Maintenant, c’est l’arbre interdit qu’elle voit au milieu du jardin (et non l’arbre de vie). Le serpent peut continuer son petit travail de sape : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »** (Gn 3,2-5).
Devenir comme des dieux, par un simple geste magique, c’est irrésistible ; et la femme se laisse tenter. Le texte est laconique : « Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. Ils attachèrent les unes aux autres des feuilles de figuier, et ils s’en firent des pagnes. »
Jusqu’ici, leur nudité (traduisez leur fragilité) ne les gênait pas l’un vis à vis de l’autre ; un peu plus haut, on peut lire : « Tous les deux, l’homme et sa femme, étaient nus, et ils n’en éprouvaient aucune honte l’un devant l’autre. » Ils pouvaient être transparents l’un pour l’autre, et l’homme accueillait sa femme nouvellement créée avec émerveillement : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair. » (Gn 2,23). Désormais, ils ont honte l’un en face de l’autre. Finie la transparence.
De la même manière, leur nudité, leur fragilité, ne les gênait pas non plus face à Dieu : ils étaient en confiance. Mais le serpent leur a soi-disant ouvert les yeux en leur susurrant que Dieu n’était pas leur allié, qu’il voulait garder le meilleur pour lui, qu’il les redoutait presque ! Son petit discours insinuait ‘Il a peur que vous deveniez ses égaux !’
En fait, réellement, leurs yeux se sont ouverts, mais leur regard est complètement faussé : désormais, ils vivront dans la peur de Dieu, et c’est pour cela qu’ils se cachent. Mais voilà que Dieu les cherche et les interroge : « Qui donc t’a dit que tu étais nu ? Aurais-tu mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger ? » Visiblement, le projet de Dieu est contrarié : l’homme n’aurait pas dû prendre conscience de sa nudité-fragilité de cette manière-là : il aurait dû pouvoir vivre sa condition dans la sérénité, et non dans cette peur et cette gêne qui viennent de s’emparer de lui. Aux questions de Dieu, l’homme et la femme répondent en disant la pure vérité, sans rien ajouter, sans rien retrancher : chacun des deux s’est laissé influencer et a désobéi ; l’homme dit : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. » Et la femme ajoute : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. » En définitive, tout vient du serpent.
LE SERPENT M’A TROMPÉE
On peut en tirer au moins une conclusion : le mal n’est pas dans l’homme ; voilà déjà une affirmation capitale de la Bible. Face à des civilisations pessimistes qui considèrent l’humanité comme foncièrement mauvaise, la Révélation affirme que le mal est extérieur à l’homme. Quand l’humanité s’engage sur des fausses pistes, c’est parce qu’elle a été trompée, séduite. Toute la lutte des prophètes, pendant toute la durée de l’histoire biblique vise justement les innombrables séductions qui menacent l’homme.
Le texte va plus loin ; Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux. » Ce qui revient à dire que le mal est maudit par Dieu ; la colère de Dieu, dans la Bible, est toujours contre ce qui détruit l’homme. Cela veut dire aussi que le mal est complètement étranger à Dieu : voilà encore une question que nous nous posons souvent : d’où vient le mal ? Est-ce Dieu qui l’a voulu ? La Bible répond deux choses : le mal ne vient pas de Dieu, et nous avons vu, déjà, qu’il ne fait pas non plus partie de la nature de l’homme.
L’homme et la femme avaient raison de vouloir être comme des dieux, et d’ailleurs, Dieu ne le leur reproche pas, puisqu’ils sont faits à sa ressemblance, et que le souffle de Dieu est la respiration de l’homme. Mais ils se sont laissé prendre à la tentation d’assouvir leur désir par eux-mêmes, dans une sorte de geste magique ; et ils n’ont expérimenté que le malheur.
Mais tout n’est pas perdu, et c’est la troisième bonne nouvelle de ce texte : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. » C’est un combat qui est annoncé là ; un combat dont l’issue est déjà certaine. Car c’est au serpent que Dieu s’adresse : il sera atteint à la tête, la femme seulement au talon ; ce qui dit bien, de manière imagée, que l’humanité aura le dessus. Le mal n’aura pas le dernier mot.
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Notes
*Pour traduire littéralement le texte hébreu (Gn 2,9), il faudrait parler de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » ; mais cette traduction, grammaticalement bonne, risque de nous entraîner dans un véritable contresens : les mots « bien » et « mal » ont en français un sens abstrait qui ne correspond nullement à la sensibilité concrète, existentielle de la pensée hébraïque. C’est pourquoi, dans ce commentaire, on emploie de préférence l’expression « l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux ».
On entend souvent dire que les deux fautifs rejettent leur faute sur autrui : en fait, ils ne disant que la stricte vérité : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre » : c’est vrai.
« Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé » : cela aussi est exact : le serpent a abordé la femme pour lui faire son petit boniment sur le thème « quand Dieu vous interdit quelque chose, ce n’est pas pour votre bien ». Elle ne se « défausse » pas de sa responsabilité sur le serpent ; elle a réellement été trompée.
Compléments
– À la cour du roi Salomon, on se préoccupait de découvrir la sagesse, le véritable art de vivre ; ce texte nous incite à l’humilité : Dieu seul sait ce qui est bon pour nous ; l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux est inaccessible à l’homme ; en revanche, il est invité à se nourrir chaque jour du véritable arbre de vie qu’est la Loi donnée par Dieu, la Tôrah.
– C’est une certaine soif de connaissance qui a tenté l’homme ; une connaissance qui est une prise de pouvoir : « Vous serez comme des dieux ». Alors qu’il était invité à une autre connaissance, la seule qui vaille, la connaissance de Dieu au sens biblique, c’est-à-dire l’amour.
– La tradition chrétienne, relisant ce texte, y a vu une annonce lointaine de la victoire de la Nouvelle Ève, Marie. À tel point qu’on a parlé ici de « protévangile », c’est-à-dire d’un « pré-évangile » ; bien sûr, l’auteur de ce passage de la Genèse, qui écrivait probablement au temps du roi Salomon, ne pouvait pas avoir des visées aussi précises. Mais il annonçait clairement déjà, que le mal, un jour, sera vaincu.
Psaume
Psaume 97 (98), 1, 2-3ab, 3cd-4
R/ Chantez au Seigneur un chant nouveau,
car il a fait des merveilles. (Ps 97, 1a)
Chantez au Seigneur un chant nouveau,
car il a fait des merveilles ;
par son bras très saint, par sa main puissante,
il s’est assuré la victoire.
Le Seigneur a fait connaître sa victoire
et révélé sa justice aux nations ;
il s’est rappelé sa fidélité, son amour,
en faveur de la maison d’Israël.
La terre tout entière a vu
la victoire de notre Dieu.
Acclamez le Seigneur, terre entière,
sonnez, chantez, jouez !
Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, extraits de ses commentaires des lectures du jour de Noël.
Ce jour-là, le psaume est plus complet : il comporte une strophe supplémentaire, composée des verset 5 et 6 et que nous reproduisons ici avant les commentaires eux-mêmes.
5 Jouez pour le SEIGNEUR sur la cithare,
sur la cithare et tous les instruments ;
6 au son de la trompette et du cor 1,
acclamez votre roi, le SEIGNEUR !
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LE PEUPLE DE L’ALLIANCE…
« La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu » : c’est le peuple d’Israël qui parle ici et qui dit « notre » Dieu, affichant ainsi la relation tout-à-fait privilégiée qui existe entre ce petit peuple et le Dieu de l’univers ; mais Israël a peu à peu compris que sa mission dans le monde est précisément de ne pas garder jalousement pour lui cette relation privilégiée mais d’annoncer l’amour de Dieu pour tous les hommes, afin d’intégrer peu à peu l’humanité tout entière dans l’Alliance.
Ce psaume dit très bien ce que l’on pourrait appeler « les deux amours de Dieu » : son amour pour son peuple choisi, élu, Israël… ET son amour pour l’humanité tout entière, ce que le psalmiste appelle les « nations » … Relisons le verset 2 : « Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations » : les « nations », ce sont tous les autres, les païens, ceux qui ne font pas partie du peuple élu. Mais vient aussitôt le verset 3 : « Il s’est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d’Israël », ce qui est l’expression consacrée pour rappeler ce qu’on appelle « l’élection d’Israël ». Derrière cette toute petite phrase, il faut deviner tout le poids d’histoire, tout le poids du passé : les simples mots « sa fidélité », « son amour » sont le rappel vibrant de l’Alliance : c’est par ces mots-là que, dans le désert, Dieu s’est fait connaître au peuple qu’il a choisi. « Dieu d’amour et de fidélité ». Cette phrase veut dire : oui, Israël est bien le peuple choisi, le peuple élu ; mais la phrase d’avant, et ce n’est peut-être pas un hasard si elle est placée avant, cette phrase qui parle des nations, rappelle bien que si Israël est choisi, ce n’est pas pour en jouir égoïstement, pour se considérer comme fils unique, mais pour se comporter en frère aîné. Comme disait André Chouraqui, « le peuple de l’Alliance est destiné devenir l’instrument de l’Alliance des peuples ».
L’un des grands acquis de la Bible, c’est que Dieu aime toute l’humanité, et pas seulement Israël. Dans ce psaume, cette certitude marque la composition même du texte ; si on regarde d’un peu plus près la construction de ces quelques versets, on remarque la disposition en « inclusion » de ces deux versets 2 et 3 : l’inclusion est un procédé de style qu’on trouve souvent dans la Bible. Une inclusion, c’est un peu comme un encadré, dans un journal ou dans une revue ; bien évidemment le but est de mettre en valeur le texte écrit dans le cadre.
Dans une inclusion, c’est la même chose : le texte central est mis en valeur, « encadré » par deux phrases identiques, une avant, l’autre après… Ici, la phrase centrale, qui parle d’Israël, est encadrée par deux phrases synonymes qui parlent des nations : « Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations », voilà la première phrase donc, sur les nations … la deuxième phrase, elle, concerne Israël : « il s’est rappelé sa fidélité, son amour en faveur de la maison d’Israël »… et voici la troisième phrase : « la terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu ». Le mot « nations » ne figure pas ici, mais il est remplacé par l’expression « la terre tout entière ». La phrase centrale sur ce qu’on appelle « l’élection d’Israël » est donc encadrée par deux phrases sur l’humanité tout entière. L’élection d’Israël est centrale mais on n’oublie pas qu’elle doit rayonner sur l’humanité tout entière et cette construction le manifeste bien.
… AU SERVICE DE L’ALLIANCE DES PEUPLES
Et quand le peuple d’Israël, au cours de la fête des Tentes à Jérusalem, acclame Dieu comme roi, ce peuple sait bien qu’il le fait déjà au nom de l’humanité tout entière ; en chantant cela, on imagine déjà (parce qu’on sait qu’il viendra) le jour où Dieu sera vraiment le roi de toute la terre, c’est-à-dire reconnu par toute la terre.
La première dimension de ce psaume, très importante, c’est donc l’insistance sur ce « les deux amours de Dieu », pour son peuple choisi, d’une part, et pour toute l’humanité, d’autre part. Une deuxième dimension de ce psaume est la proclamation très appuyée de la royauté de Dieu.
Par exemple, on chante au temple de Jérusalem « Acclamez le SEIGNEUR, terre entière, acclamez votre roi, le SEIGNEUR » Mais dire « on chante », c’est trop faible ; en fait, par le vocabulaire employé en hébreu, ce psaume est un cri de victoire, le cri que l’on pousse sur le champ de bataille après la victoire, la « terouah » en l’honneur du vainqueur. Le mot de victoire revient trois fois dans les premiers versets. « Par son bras très saint, par sa main puissante, il s’est assuré la victoire »… « Le SEIGNEUR a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations »… » La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu ».
La victoire de Dieu dont on parle ici est double : c’est d’abord la victoire de la libération d’Égypte ; la mention « par son bras très saint, par sa main puissante » est une allusion au premier exploit de Dieu en faveur des fils d’Israël, la traversée miraculeuse de la mer qui les séparait définitivement de l’Égypte, leur terre de servitude. L’expression « Le SEIGNEUR t’a fait sortir d’Égypte à main forte et à bras étendu » (Dt 5,15) était devenue la formule-type de la libération d’Égypte. La formule « il a fait des merveilles » (au verset 1 de ce psaume) est aussi un rappel de la libération d’Égypte.
Mais quand on chante la victoire de Dieu, on chante également la victoire attendue pour la fin des temps, la victoire définitive de Dieu contre toutes les forces du mal. Et déjà on acclame Dieu comme jadis on acclamait le nouveau roi le jour de son sacre en poussant des cris de victoire au son des trompettes, des cornes et dans les applaudissements de la foule. Mais alors qu’avec les rois de la terre, on allait toujours vers une déception, cette fois, on sait qu’on ne sera pas déçus ; raison de plus pour que cette fois la « terouah » soit particulièrement vibrante !
Désormais les chrétiens acclament Dieu avec encore plus de vigueur parce qu’ils ont vu de leurs yeux le roi du monde : depuis l’Incarnation du Fils, ils savent et ils affirment (envers et contre tous les événements apparemment contraires), que le Règne de Dieu, c’est-à-dire de l’amour est déjà commencé.
Deuxième lecture
« Dieu nous a choisis, dans le Christ, avant la formation du monde »
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens (1, 3-6.11-12).
Béni soit Dieu, le Père
de notre Seigneur Jésus Christ !
Il nous a bénis et comblés
des bénédictions de l’Esprit,
au ciel, dans le Christ.
Il nous a choisis, dans le Christ,
avant la fondation du monde,
pour que nous soyons saints, immaculés
devant lui, dans l’amour.
Il nous a prédestinés
à être, pour lui, des fils adoptifs
par Jésus, le Christ.
Ainsi l’a voulu sa bonté,
à la louange de gloire de sa grâce,
la grâce qu’il nous donne
dans le Fils bien-aimé.
En lui, nous sommes devenus
le domaine particulier de Dieu,
nous y avons été prédestinés
selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé :
il a voulu que nous vivions
à la louange de sa gloire,
nous qui avons d’avance espéré dans le Christ.
Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, extraits de ses commentaires de la 2e lecture du 15e dimanche du temps ordinaire B.
Ce jour-là, la lecture (Ep 1, 3-14) est plus complète et nous la reproduisons intégralement, pour une meilleure compréhension des commentaires.
Lettre de saint Paul, apôtre, aux Éphésiens (1, 3-14).
3 Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ !
Il nous a bénis et comblés
des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ.
4 Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde,
pour que nous soyons saints, immaculés
devant lui, dans l’amour.
5 Il nous a prédestinés
à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ.
Ainsi l’a voulu sa bonté,
6 à la louange de gloire de sa grâce,
la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé.
7 En lui, par son sang,
nous avons la rédemption,
le pardon de nos fautes.
C’est la richesse de la grâce
8 que Dieu a fait déborder jusqu’à nous
en toute sagesse et intelligence.
9 Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté,
selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ :
10 pour mener les temps à leur plénitude,
récapituler toutes choses dans le Christ,
celles du ciel et celles de la terre.
11 En lui, nous sommes devenus
le domaine particulier de Dieu,
nous y avons été prédestinés
selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé :
12 il a voulu que nous vivions
à la louange de sa gloire,
nous qui avons d’avance espéré dans le Christ.
13 En lui, vous aussi, après avoir écouté la parole de vérité,
l’Évangile de votre salut,
et après y avoir cru,
vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint.
Et l’Esprit promis par Dieu
14 est une première avance sur notre héritage,
en vue de la rédemption que nous obtiendrons,
à la louange de sa gloire.
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LE « DESSEIN BIENVEILLANT » DE DIEU
Voilà peut-être la plus belle prédication de l’histoire chrétienne ! On pourrait l’appeler « L’hymne de jubilation » de Paul : dans le texte grec, ces douze versets ne forment qu’une seule phrase d’action de grâce ; Paul y déploie la grande fresque du projet de Dieu, et il nous invite à nous associer à sa contemplation émerveillée. Ce projet que nous avons pris l’habitude (avec la traduction œcuménique TOB) d’appeler « le dessein bienveillant de Dieu » est de rassembler l’humanité au point de ne faire qu’un seul Homme en Jésus-Christ, à la tête de la création tout entière : « récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre. »
Première bonne nouvelle, Dieu a un projet sur nous et sur l’ensemble de la création ; l’histoire humaine a donc un sens, ce qui veut dire à la fois direction et signification ; pour les croyants, les années ne se succèdent pas toutes pareilles, notre histoire avance vers son accomplissement : nous allons, comme dit Paul, vers « la plénitude des temps ». Ce projet, nous ne l’aurions pas deviné tout seuls, c’est un « mystère » pour nous, car il nous dépasse infiniment, alors Dieu nous le révèle.
Dans le vocabulaire de Paul, un mystère n’est pas un secret que Dieu garderait jalousement pour lui ; au contraire, c’est son intimité à laquelle il nous convie. Il nous fait découvrir une autre sagesse, une autre intelligence que les nôtres, sous-entendu sa sagesse à lui, son intelligence à lui.
Deuxième bonne nouvelle, cette volonté de Dieu n’est qu’amour : les mots « bénédiction, amour, bonté, grâce, bienveillance » parsèment le texte ; c’est également le sens de l’expression « à la louange de sa gloire » qui revient trois fois comme un refrain (v.12,14 et « à la louange de gloire de sa grâce », v.6). C’est dire que Dieu sera reconnu comme le Dieu de la grâce, ce qui veut dire « le Dieu dont l’amour est gratuit ». Déjà, le prophète Jérémie savait dire que les projets de Dieu ne sont que des « pensées de paix et non de malheur » (Jr 29,11) ; depuis la venue du Christ, nous savons mieux encore ce qu’est la volonté de Dieu : le Dieu qui n’est qu’amour (la communion trinitaire structure le texte) veut nous faire entrer dans son intimité : ce qui veut dire que nous pouvons toujours, en toutes circonstances, souhaiter « que sa volonté soit faite » : parce qu’elle n’est que bonne !
PAR LUI, AVEC LUI, ET EN LUI
Troisième insistance de ce texte : ce projet de Dieu s’accomplit à travers le Christ ; celui-ci est cité de nombreuses fois dans ces quelques lignes : tout advient « par lui, avec lui, et en lui », comme dit la liturgie : « Dieu nous prédestinés à être pour lui des fils adoptifs, par Jésus le Christ. » (v.5). Au vrai sens du terme, le centre du monde, le centre de l’histoire humaine (l’alpha et l’oméga), c’est Jésus-Christ. Lui, le « Fils bien-aimé » en qui nous est donnée la grâce du Père » (v.6), lui en qui nous serons tous réunis quand viendra la plénitude des temps (v.10), lui en qui nous avons écouté l’Évangile de notre salut (v.13), lui par qui nous avons reçu « la marque de l’Esprit Saint » (v.13). De toute évidence, ce rôle prééminent du Christ était prévu de toute éternité, dès « avant la fondation du monde » (v. 4). Le « mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ… » Paul parle pourtant bien de « rédemption » au sens de libération (v.7), mais le projet de la rédemption est second ; Dieu a de toute éternité projeté de faire de nous ses fils, et c’est seulement parce que nous manquons sans cesse le but que nous avons besoin d’être sauvés.
Providentiellement, la liturgie de ce dimanche nous fait chanter le psaume 84/85 qui est une variation sur le même thème ; et c’est peut-être bien le meilleur écho à la méditation de Paul : « J’écoute : que dira le SEIGNEUR Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple. Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre. Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. Le SEIGNEUR donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin. »
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Complément
Une toute petite note pour ceux qui s’intéressent à l’histoire des textes : Paul connaissait bien la communauté d’Éphèse où il a séjourné deux ou trois ans : or, curieusement, on ne trouve dans la Lettre aux Éphésiens aucune allusion à des relations personnelles de l’auteur avec les destinataires ; par ailleurs, les thèmes abordés et le style employé témoignent d’une nette évolution par rapport aux écrits antérieurs de l’apôtre ; tout cela pousse certains spécialistes à penser que la lettre aux Éphésiens serait l’œuvre non de Paul mais d’un de ses très proches disciples qui aurait rassemblé la pensée de son maître peu après sa mort, donc dans les années 70
Évangile
« Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 26-38)
Alléluia. Alléluia.
Je te salue, Marie, Comblée-de-grâce :
le Seigneur est avec toi,
tu es bénie entre les femmes.
Alléluia. (cf. Lc 1, 28.42)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (1, 26-38).
En ce temps-là,
l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu
dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,
à une jeune fille vierge,
accordée en mariage à un homme de la maison de David,
appelé Joseph ;
et le nom de la jeune fille était Marie.
L’ange entra chez elle et dit :
« Je te salue, Comblée-de-grâce,
le Seigneur est avec toi. »
À cette parole, elle fut toute bouleversée,
et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors :
« Sois sans crainte, Marie,
car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ;
tu lui donneras le nom de Jésus.
Il sera grand,
il sera appelé Fils du Très-Haut ;
le Seigneur Dieu
lui donnera le trône de David son père ;
il régnera pour toujours sur la maison de Jacob,
et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange :
« Comment cela va-t-il se faire,
puisque je ne connais pas d’homme ? »
L’ange lui répondit :
« L’Esprit Saint viendra sur toi,
et la puissance du Très-Haut
te prendra sous son ombre ;
c’est pourquoi celui qui va naître sera saint,
il sera appelé Fils de Dieu.
Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente,
a conçu, elle aussi, un fils
et en est à son sixième mois,
alors qu’on l’appelait la femme stérile.
Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors :
« Voici la servante du Seigneur ;
que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.
Commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur l’évangile de la solennité de l’Annonciation du Seigneur.
Jusqu’ici personne n’avait entendu parler de Nazareth ! Petit village sans importance d’une
province assez mal vue des autorités de Jérusalem ; et pourtant c’est là que l’Ange Gabriel
est allé décerner à une toute jeune fille le plus haut compliment qu’une femme ait jamais
reçu : « Comblée-de-grâce » ; c’est-à-dire toute baignée de la grâce de Dieu, sans ombre.
Pas étonnant qu’à la fin de la rencontre, celle qui était si bien accordée au projet de Dieu ait
répondu spontanément : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon
ta parole. » Entre ces deux phrases, l’histoire humaine venait de basculer : l’heure de
l’Incarnation avait sonné. Désormais, plus rien ne sera jamais comme avant. Toutes les
promesses de l’Ancien Testament viennent de trouver leur accomplissement. Chacune des
paroles de l’Ange vient évoquer ces promesses et détailler l’une des facettes de l’attente du
Messie telle qu’elle se développait depuis des siècles.
Tout d’abord, on attendait un roi descendant de David : or ici, on entend un écho de la
promesse faite à David par le prophète Nathan que nous avons entendue en première
lecture (2 S 7). C’est à partir de cette fameuse promesse que s’est développée toute
l’attente messianique. Or ici, c’est le centre des paroles de l’ange Gabriel : « Le Seigneur
Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la Maison de
Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » (versets 32-33). Autre titre : « Il sera appelé Fils du
10
Très-Haut » : en langage biblique, cela veut dire « roi » ; en écho à la promesse que Dieu
avait faite à David, chaque nouveau roi recevait le jour de son sacre le titre de Fils de Dieu.
Marie a tout compris, mais elle se permet de rappeler à l’Ange qu’elle est encore une jeune
fille et que donc elle ne peut normalement pas concevoir d’enfant. Ce à quoi l’Ange apporte
la réponse que nous connaissons, mais qui, elle aussi, évoque d’autres promesses
messianiques, tout en les dépassant infiniment : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la
puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera
saint. » On savait que le Messie serait investi de la puissance de l’Esprit Saint pour
accomplir sa mission de salut ; Isaïe, par exemple, avait dit : « Un rameau sortira de la
souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines, sur lui reposera l’Esprit du Seigneur » (Is
11, 1-2). Mais l’annonce de l’Ange, ici, va beaucoup plus loin : car l’enfant ainsi conçu sera
réellement Fils de Dieu : « celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu ».
Visiblement, saint Luc insiste sur le fait que cet enfant n’a pas de père humain, il est « Fils
de Dieu » ; deux preuves dans ce texte : premièrement la remarque de la Vierge « Je suis
vierge » (dans le texte originel, « je ne connais pas d’homme »). Deuxièmement, la formule
« Tu lui donneras le nom de Jésus » est adressée à la mère, ce qui est tout à fait inhabituel
et ne s’explique que s’il n’y a pas de père humain : d’habitude, c’est le père qui donne le
nom à l’enfant. Par exemple, on se souvient que, au moment de la naissance de Jean-
Baptiste, les proches demandaient à Zacharie, pourtant muet, et non à Élisabeth, de
décider du nom de l’enfant.
L’expression « la puissance du Très-haut te prendra sous son ombre » fait penser à une
nouvelle création : on pense évidemment à cette phrase du livre de la Genèse « Au
commencement, Dieu créa le ciel et la terre… Le souffle de Dieu planait à la surface des
eaux » (Gn 1, 2) ; et l’écho du psaume 104 : « Tu envoies ton souffle, ils sont créés » (Ps
104, 30). Cette présence privilégiée de Dieu sur le Christ est encore suggérée par
l’évocation de « l’ombre du Très-Haut » ; déjà elle était le signe de la Présence de Dieu au-
dessus de la Tente de la Rencontre, pendant la marche de l’Exode ; le jour de la
Transfiguration, la même nuée, la même ombre désignera le Fils de Dieu « Celui-ci est mon
Fils, celui que j’ai élu. Écoutez-le ! »
Face à toutes ces annonces de l’Ange, la réponse de la Vierge est d’une simplicité
extraordinaire ! On peut dire qu’on a là un bel exemple « d’obéissance de la foi », comme
dit Paul, c’est-à-dire de confiance totale. Elle reprend le mot de tous les grands croyants
depuis Abraham : « Me voici » ; comme Samuel avait su dire « Parle, Seigneur, ton serviteur
écoute » (1 S 3, 10), Marie répond tout simplement : « Voici la servante du Seigneur ; que tout
se passe pour moi selon ta parole. » Le mot « servante » n’évoque pas ici la servilité, mais la
libre disponibilité au projet de Dieu. Il suffit de dire « Oui », car « Rien n’est impossible à
Dieu ». Grâce à ce « oui » de la jeune fille de Nazareth, « Le Verbe se fait chair et il vient
habiter parmi nous » ; on entend ici résonner la lumineuse promesse de Sophonie : « Crie
de joie, fille de Sion, pousse des acclamations, Israël, réjouis-toi, ris de tout ton cœur, fille
de Jérusalem… Le roi d’Israël, le Seigneur lui-même est dans ton sein. »* (So 3, 14-15).
Mais tout est encore plus beau que ce que l’on avait pu imaginer. Marie n’aura pas trop de
toute sa vie, sûrement, pour « méditer toutes ces choses dans son cœur ».
11
* NB En hébreu, « fille de Sion » désigne Sion, c’est-à-dire le peuple de Dieu (et non pas
une femme précise). La promesse de Sophonie s’adressait à ses contemporains. Plus tard,
les Chrétiens ont considéré que cette parole s’appliquait particulièrement bien à Marie.
Fichier audio des lectures du jour, suivies d’un commentaire de 7′ 05 » à 10′ 15 » – Merci à « Évangile et Parole du jour – Cathoglad » !
Méditation du père Gilles
Homélie du jour à la basilique Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille.
Homélie de la messe du jour à Notre-Dame-du-Laus.
Homélie de la messe du jour à la basilique d’Ars.
Homélie de Mgr André Vingt-trois, le 8 décembre 2016, à Notre-Dame de Paris.
Homélie de Mgr Micas, à Lourdes, le 8 décembre 2025.
« L’Immaculée Conception », par le père Pierre Trevet, curé de Monistrol-sur-Loire, sur KTO-TV, dans le cadre de l’émission « Journal d’un curé de campagne », le 8 décembre 2013.
Méditation d’Étienne Tarneaud . Je vous invite à vous abonner gratuitement à ses méditations sur WhatsApp (le contacter au 06 20 14 00 33).


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