Lectures de la fête de la Sainte-Famille A, commentées. 28 12 2025

Lectures de la fête de la Sainte-Famille A, commentées. 28 12 2025

« La sainte Famille » – Bois sculpté et polychromie, auteur anonyme, limite XVIe – XVIIe. Trésor de la cathédrale d’Auch.
Photo de Didier Descouens, CC0, via Wikimedia Commons.

Dans les commentaires qui suivent, certains passages peuvent être surlignés en bleu, couleur de la liberté ; justement parce qu’ils parlent de la liberté, et donc de la dignité, humaine, conformément au principe personnaliste (ou principe de la dignité humaine).  D’après Marie-Noëlle Thabut, « … si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c’est que nous ne les avons pas compris. »

De façon générale, ces commentaires nous semblent éclairer notre conscience sur l’interprétation à donner aux textes bibliques, conformément au principe personnaliste précité.

1ère lecture.

LECTURE DU LIVRE DE BEN SIRA LE SAGE 3, 2-6.12-14

3, 2    Le Seigneur glorifie le père dans ses enfants,
    il renforce l’autorité de la mère sur ses fils.
3  Celui qui honore son père obtient le pardon de ses péchés,
4  celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor.
5  Celui qui honore son père aura de la joie dans ses enfants,
    au jour de sa prière il sera exaucé
.
Celui qui glorifie son père verra de longs jours,
    celui qui obéit au Seigneur donne du réconfort à sa mère…

12 Mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse,
    ne le chagrine pas pendant sa vie
13 Même si son esprit l’abandonne, sois indulgent,
    ne le méprise pas, toi qui es en pleine force.
14 Car ta miséricorde envers ton père ne sera pas oubliée
    et elle relèvera ta maison
    si elle est ruinée par le péché.

Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste. TRANSMETTRE LES VALEURS FAMILIALES À TOUT PRIX Ben Sira dit encore bien d’autres choses sur le respect dû aux parents ; et s’il éprouve le besoin d’y insister, c’est parce qu’à son époque, l’autorité des parents n’était plus ce qu’elle avait été : les mœurs étaient en train de changer et Ben Sira ressentait le besoin de redresser la barre. Nous sommes au deuxième siècle av. J.-C., vers l’année 180. Ben Sira tient une école de Sagesse (on dirait « Philosophie » aujourd’hui) à Jérusalem ; on est sous la domination grecque : les souverains sont libéraux et les Juifs peuvent continuer à pratiquer intégralement leur Loi ; (la situation changera un peu plus tard avec Antiochus Épiphane) ; mais c’est cette tranquillité, justement, qui inquiète Ben Sira, car, insidieusement, de nouvelles habitudes de penser se répandent : à côtoyer de trop près des païens, on risque de penser et de vivre bientôt comme eux. Et c’est bien ce qui pousse Ben Sira à défendre les fondements de la religion juive, à commencer par la famille. Car si la structure familiale s’affaiblit, qui transmettra aux enfants la foi, les valeurs, et les pratiques du Judaïsme ? Notre texte d’aujourd’hui est donc avant tout un plaidoyer pour la famille parce qu’elle est le premier sinon le seul lieu de transmission des valeurs. C’est aussi un commentaire magnifique, une variation sur le quatrième commandement. Les plus âgés d’entre nous le connaissent sous la forme du catéchisme de leur enfance : « Tes père et mère honoreras afin de vivre longuement ». Et le voici dans sa forme primitive au livre de l’Exode : « Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le SEIGNEUR ton Dieu » (Ex 20,12) ; et le livre du Deutéronome ajoutait « (afin d’avoir longue vie) et bonheur » (Dt 5,16). Le texte que nous lisons aujourd’hui a donc été écrit vers 180 av. J.-C. ; et puis, cinquante ans plus tard, le petit-fils de Ben Sira a traduit l’œuvre de son grand-père et il a voulu préciser les choses : il a donc ajouté deux versets pour justifier ce respect dû aux parents : son argument est le suivant : nos parents nous ont donné la vie, ils sont donc les instruments de Dieu qui donne la vie : « De tout ton cœur, honore ton père, et n’oublie pas les douleurs de ta mère. Souviens-toi que tu leur dois d’être né, comment leur rendras-tu ce qu’ils ont fait pour toi ? » (Si 7,27-28). Bien sûr, ce commandement rejoint le simple bon sens : on sait bien que la cellule familiale est la condition primordiale d’une société équilibrée. Actuellement, nous ne faisons que trop l’expérience des désastres psychologiques et sociaux entraînés par la brisure des familles. Mais, plus profondément, j’entends aussi là que notre rêve d’harmonie familiale fait partie du plan de Dieu. LA RÉCONCILIATION AVEC LE PROCHAIN, SEUL CHEMIN DE RÉCONCILIATION AVEC DIEU Cette défense des valeurs familiales ne nous étonne donc pas : mais dans le texte de Ben Sira on a un peu l’impression d’un calcul : « Celui qui honore son père obtient le pardon de ses péchés, celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor. Celui qui honore son père aura de la joie dans ses enfants, au jour de sa prière il sera exaucé. Celui qui glorifie son père verra de longs jours… » Même chose pour le commandement : « Tes père et mère honoreras afin de vivre longuement » ; comme si on nous disait « si tu te conduis bien, Dieu te le revaudra ». Or, il n’est jamais question de calcul avec Dieu, puisqu’avec lui tout est grâce, c’est-à-dire gratuit ! Ce qu’on veut nous dire, c’est que chaque fois que Dieu nous donne un commandement, c’est pour notre bonheur. Si vous en avez le courage, reportez-vous au livre du Deutéronome, en particulier au chapitre 6, celui dont est extraite la plus célèbre prière d’Israël, le « Shema Israël » (Écoute Israël) ; vous serez étonnés de l’insistance de ce texte pour nous dire que la loi est chemin de bonheur et de liberté. Voici quelques versets du Deutéronome : « Tu feras ce qui est droit et bon aux yeux du SEIGNEUR, afin d’être heureux et d’entrer pour en prendre possession, dans le bon pays que le SEIGNEUR a juré de donner à tes pères… » (Dt 6,18) 1. Revenons à Ben Sira ; nous y lisons une phrase un peu étonnante : « Celui qui honore son père obtient le pardon de ses péchés ». Tout d’abord, on peut penser qu’une telle phrase prouve que ce texte est récent ; on sait bien qu’il a fallu des siècles de pédagogie de Dieu, par la bouche de ses prophètes, pour que l’on découvre que le seul chemin de réconciliation avec Dieu n’est pas le sacrifice sanglant comme on le croyait primitivement ; le seul chemin de réconciliation avec Dieu, c’est la réconciliation avec le prochain. On entend là comme un écho de la célèbre phrase du prophète Osée « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice » (Os 6,6). En quelque sorte, Ben Sira nous dit : « Vous voulez être sûrs d’honorer Dieu ? C’est bien simple, honorez vos parents : être filial à leur égard, c’est être filial aussi à l’égard de Dieu. » On sait que sur les dix commandements, deux seulement sont des ordres positifs : le commandement sur le sabbat et celui-ci sur le respect des parents. « Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier… », « Honore ton père et ta mère » ; tous les autres commandements sont négatifs, ils indiquent seulement des limites à ne pas dépasser : « Tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de vol. » Mais c’est bien un ordre positif qui résume tous les commandements : vous le trouvez dans l’Ancien Testament au Livre du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19,18) ; or, notre premier prochain, au vrai sens du terme, ce sont nos parents. En cette période de fêtes où des liens familiaux se resserrent ou se redécouvrent, ce texte de Ben Sira est donc bien trouvé. ————————————————————————————————————————————— Note 1 – Inversement, le même livre affirmait : « Maudit qui méprise son père et sa mère ! » (Dt 27,16). Et ce commandement était assorti de peines très sévères : la peine de mort, en particulier, pour celui qui avait « frappé son père ou sa mère » même si ses coups n’avaient pas entraîné la mort (Ex 21,15). La même sanction était prévue pour celui qui « maudissait » son père ou sa mère (Ex 21,17). Rappelons-nous, il n’est pas si loin le temps où le Droit français prévoyait des sanctions particulièrement sévères pour les parricides. Complément La lecture liturgique ne nous propose que les versets 2 à 6 et 12 à 14 du chapitre 3 du livre de Ben Sira ; on peut se demander pourquoi elle supprime plusieurs versets au beau milieu du texte ? Les voici, ils ne font que donner plus de vigueur à l’ensemble : « Celui qui craint le Seigneur honorera son père et servira ses parents comme des maîtres. Honore ton père en acte et en parole, afin que sa bénédiction vienne sur toi. Car la bénédiction d’un père affermit la maison de ses enfants, mais la malédiction d’une mère en sape les fondations*. Ne te glorifie pas en rabaissant ton père, car l’abaissement de ton père n’est pas une gloire pour toi. La gloire d’un homme vient de la notoriété de son père, une mère méprisée fait la honte de ses enfants. » N.B.* Je cite ici le verset 9 « la bénédiction d’un père affermit la maison de ses enfants, mais la malédiction d’une mère en sape les fondations » d’après la version grecque en usage dans notre tradition chrétienne ; mais le texte primitif hébreu (de Ben Sira lui-même) disait : la bénédiction d’un père enracine, mais la malédiction d’une mère arrache la plantation. » Voici la note de la TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) : « Le grec a transposé la métaphore agraire de l’hébreu, en une comparaison citadine, plus intelligible pour des lecteurs grecs. » Bel exemple d’adaptation à un auditoire.

Commentaires vidéo de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.

Psaume

PSAUME 127 (128)

1 Heureux qui craint le SEIGNEUR
    et marche selon ses voies !

2 Tu te nourriras du travail de tes mains :
    Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !

Ta femme sera dans ta maison
    comme une vigne généreuse,
    et tes fils, autour de la table,
    comme des plants d’olivier.

Voilà comment sera béni
    l’homme qui craint le SEIGNEUR.
5  De Sion, que le SEIGNEUR te bénisse !
    Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie.

Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.

DIEU NOUS A CRÉÉS POUR LE BONHEUR

Si vous avez la curiosité d’aller lire ce psaume dans votre Bible, vous verrez qu’on l’appelle « Cantique des montées » : ce qui veut dire qu’il a été composé pour être chanté pendant le pèlerinage, dans la montée vers Jérusalem. Vu son contenu, on peut penser qu’il était chanté à la fin du pèlerinage, sur les dernières marches du Temple. Dans la première partie, les prêtres, à l’entrée du Temple, accueillent les pèlerins et leur font une dernière catéchèse : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR et marche selon ses voies ! Tu te nourriras du travail de tes mains : Heureux es-tu ! À toi le bonheur ! Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils autour de la table comme des plants d’olivier ». Une chorale ou bien l’ensemble des pélerins répond : « Oui, voilà comment sera béni l’homme qui craint le SEIGNEUR ».

Alors les prêtres prononcent la formule liturgique de bénédiction : « De Sion, que le SEIGNEUR te bénisse ! Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie, et tu verras les fils de tes fils » (versets 5 et 6 qui ne sont que partiellement retenus pour notre chant au cours de cette fête).

Au passage, nous lisons une formule qui pourrait en révolter plus d’un : « Tu te nourriras du travail de tes mains : Heureux es-tu ! À toi le bonheur ! »  Il faut croire que les problèmes de chômage n’existaient pas !  L’objet de la bénédiction peut nous sembler bien terre à terre ; mais pourtant l’insistance de toute la Bible sur le bonheur et la réussite devraient nous rassurer. Notre soif de bonheur bien humain, notre souhait de réussite familiale rejoignent le projet de Dieu sur nous… sinon, l’Église n’aurait pas fait du mariage un sacrement !!! Dieu nous a créés pour le bonheur et pour rien d’autre. RÉJOUISSONS-NOUS !

Et le mot « HEUREUX » revient très souvent dans la Bible ; il revient si souvent, même, qu’on pourrait lui reprocher d’être bien loin de nos réalités concrètes ; ne risque-t-il pas de paraître ironique face à tant d’échecs humains et de malheurs dont nous voyons le spectacle tous les jours ? Vous avez remarqué sûrement combien ce psaume, lui aussi, multiplie les mots « heureux », « bonheur », bénédiction » : « Heureux qui craint le SEIGNEUR et marche selon ses voies !… Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !… Voilà comment sera béni l’homme qui craint le SEIGNEUR. Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie. »

En réalité, le mot « heureux » ne prétend pas être un constat un peu facile, comme si, automatiquement, les hommes droits et justes étaient assurés d’être heureux… Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir des hommes faire du bien et ne récolter que du malheur. Il s’agit en réalité du seul bonheur qui compte, c’est-à-dire la proximité de Dieu. En fait, le mot « Heureux » a deux facettes ; il est à la fois un compliment et un encouragement ; André CHOURAQUI, dont la traduction était toujours très proche du texte hébreu, traduisait le mot « Heureux » par « En marche ». Sous-entendu « vous êtes sur la bonne voie, bravo, et courage, continuez ! » La particularité du peuple d’Israël est d’avoir su très tôt que son Dieu l’accompagne dans son désir de bonheur et lui ouvre le chemin. Écoutez le prophète Jérémie : « Moi, je connais les pensées que je forme à votre sujet – oracle du SEIGNEUR – , pensées de paix et non de malheur, pour vous donner un avenir et une espérance. » (Jr 29,11).

Et toute la Bible en est tellement convaincue qu’elle affirme qu’il faut avoir une langue de vipère pour mettre en doute les intentions de Dieu envers l’homme et la femme qu’il a créés pour leur bonheur. (C’est le sens du récit du Paradis terrestre). Saint Paul, qui était un expert de l’Ancien Testament, a résumé en quelques mots les intentions de Dieu : il les appelle « le dessein bienveillant de Dieu ».

 

HEUREUX SEREZ-VOUS SI VOUS LE FAITES 

Il y a toujours donc deux aspects dans le mot biblique « Heureux » : c’est d’abord le projet, le dessein de Dieu, qui est le bonheur de l’homme, mais c’est aussi le choix de l’homme, en ce sens que le bonheur (le vrai bonheur qui est la proximité avec Dieu) est à construire : le chemin est tracé, il est tout droit : il suffit d’être fidèle à la loi qui se résume dans le commandement d’aimer Dieu et l’humanité ; Jésus a simplement suivi ce chemin-là. « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1). Et il invite ses disciples à le suivre, pour leur bonheur : « Heureux êtes-vous si vous le faites ». (Jn 13,17)

Mais là où notre texte se complique un peu, c’est avec la formule « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR » ; elle peut même sembler paradoxale : peut-on en même temps craindre et être heureux ? André Chouraqui, encore, traduisait ce verset de la manière suivante : « En marche, toi qui es tout frémissant de Dieu ». C’est le frémissement de l’émotion et non pas de la peur. Nous connaissons cela déjà, parfois, lorsque devant un grand bonheur, nous nous sentons tout petits.

L’homme biblique a mis longtemps à découvrir que Dieu est amour ; mais dès lors qu’il a découvert un Dieu d’amour, il n’a plus peur. Le peuple d’Israël a eu ce privilège de découvrir à la fois la grandeur du Dieu qui nous dépasse infiniment ET la proximité, la tendresse de ce même Dieu. Du coup, la « crainte de Dieu », au sens biblique, n’est plus la peur de l’homme primitif (parce qu’on ne peut pas avoir peur de Celui qui est la Bonté en personne, si j’ose dire) ; la « crainte de Dieu » est alors l’attitude du petit enfant qui voit en son père à la fois la force et la tendresse. Le livre du Lévitique utilise d’ailleurs exactement le même mot hébreu pour dire « Chacun de vous doit craindre sa mère et son père » (Lv 19,3), ce qui veut bien dire qu’à la fin de l’histoire biblique la « crainte » de Dieu est synonyme d’attitude filiale.

La foi, c’est d’abord la certitude fondamentale que Dieu veut le bonheur de l’homme et qu’il nous suffit donc de l’écouter, de le suivre avec confiance et humilité. Le suivre signifiant être fidèle à la loi, tout simplement. La phrase « Heureux qui craint le SEIGNEUR et marche selon ses voies ! » est en fait une répétition : pour l’homme biblique « craindre le SEIGNEUR » et « marcher selon ses voies » sont synonymes.

Quand tous les habitants de Jérusalem seront fidèles à ce programme, alors elle accomplira sa vocation d’être, comme son nom l’indique, la « ville de la paix ». C’est pourquoi notre psaume anticipe un peu et affirme : « Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie.

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2e lecture

LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX COLOSSIENS 3, 12-21

12 Frères, puisque vous avez été choisis par Dieu,
    que vous êtes sanctifiés, aimés par lui,
    revêtez-vous de tendresse et de compassion,
    de bonté, d’humilité, de douceur et de patience.
13 Supportez-vous les uns les autres,
    et pardonnez-vous mutuellement
    si vous avez des reproches à vous faire.
    Le Seigneur vous a pardonné : faites de même.
14 Par-dessus tout cela, ayez l’amour,
    qui est le lien le plus parfait.
15 Et que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ
    à laquelle vous avez été appelés
    vous qui formez un seul corps.
    Vivez dans l’action de grâce.
16 Que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse ;
    instruisez-vous et reprenez-vous les uns les autres
    en toute sagesse ;
    par des psaumes, des hymnes et des chants inspirés,
    chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance.
17 Et tout ce que vous dites, tout ce que vous faites,
    que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus,
    en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père.
18 Vous les femmes, soyez soumises à votre mari ;
    dans le Seigneur, c’est ce qui convient.
19 Et vous les hommes, aimez votre femme,
    ne soyez pas désagréables avec elle.
20 Vous les enfants, obéissez en toute chose à vos parents ;
    cela est beau dans le Seigneur.
21 Et vous les parents, n’exaspérez pas vos enfants ;
    vous risqueriez de les décourager.

Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.

NE PAS CONFONDRE SAINTE FAMILLE ET CONTE DE FÉES La liturgie d’aujourd’hui nous invite à contempler la sainte Famille. Au cœur de la fête, une famille toute simple : Joseph, Marie et Jésus. C’est la famille terrestre de Dieu : c’est pour cela, d’ailleurs, qu’on l’appelle la « sainte » famille, car le mot « saint » désigne précisément Dieu et lui seul. Ceci dit, ne nous y trompons pas, cette famille « sainte » n’a pas vécu dans les nuages : tout ce que les évangélistes nous disent de l’enfance de Jésus n’a rien d’un conte de fées ! Joseph perturbé devant la grossesse miraculeuse de Marie, les misérables conditions de la naissance de l’enfant, l’exil forcé en Égypte, et, quelques années plus tard, le fameux pèlerinage à Jérusalem où l’enfant est perdu et retrouvé… et l’évangile nous dit  clairement que ses parents n’y comprenaient rien. Tout cela pour dire que cette « sainte famille » a été une vraie famille, avec des problèmes comme tout le monde en connaît. Voilà qui nous rassure ! Et si, dans sa lettre aux chrétiens de Colosses, saint Paul fait des recommandations de patience et de pardon… c’est bien qu’il en faut ! Nous en savons quelque chose… Quelques mots sur Colosses et les Colossiens, d’abord : la ville de Colosses est en Turquie, à 200 km à l’est d’Éphèse ; Paul n’y est jamais allé : c’est un de ses disciples, Épaphras, un Colossien, qui s’est lui-même, d’abord, converti au christianisme, et qui, ensuite, a fondé une communauté chrétienne dans sa ville. On ne sait pas très bien ce qui a décidé Paul à écrire à ces chrétiens. D’après le contenu de la lettre, on sait seulement que Paul est en prison et qu’il a reçu des nouvelles un peu inquiétantes : la foi chrétienne est en danger. Le ton de sa lettre est mélangé : tantôt c’est l’éblouissement de Paul lui-même, devant le projet de Dieu : c’est le théologien émerveillé, le mystique, le converti du chemin de Damas qui parle ! Tantôt ce sont des mises en garde très fermes pour dire à ces chrétiens : « N’écoutez pas n’importe qui, ne vous laissez pas détourner de la vraie foi » et il n’y va pas de main morte ! Par exemple, il leur dit : « Prenez garde à ceux qui veulent faire de vous leur proie par une philosophie vide et trompeuse, fondée sur la tradition des hommes, sur les forces qui régissent le monde, et non pas sur le Christ. » (Col 2,8). Donc le ton de la lettre, le style est changeant. Mais, dans le fond, son message est toujours le même : pour lui, le centre du monde et de l’histoire, c’est Jésus-Christ ; et quand il parle aux chrétiens de leur vie concrète, il les invite d’abord à contempler Jésus-Christ : « Revêtez-vous de tendresse et de compassion …que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ… vivez dans l’action de grâce… tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus… » Voilà la clé du comportement nouveau des baptisés : tout faire au nom du Seigneur Jésus puisqu’ils sont le Corps du Christ. FAITES TOUT AU NOM DU SEIGNEUR JÉSUS On se souvient que, dans la lettre aux Corinthiens, Paul parlait déjà de la communauté chrétienne comme d’un corps composé de plusieurs membres. Dans cette lettre aux Colossiens (notre lecture d’aujourd’hui), il pousse plus loin la comparaison : le Christ est la tête et nous sommes son Corps qui se construit progressivement jusqu’à la fin des temps. C’est pour cela qu’il dit « Supportez-vous les uns les autres » dans le sens où les divers éléments d’une construction s’étaient mutuellement et soutiennent l’ensemble.1 Dernière remarque : il arrive que certaines femmes en entendant ce texte réagissent à la phrase « Vous les femmes, soyez soumises à votre mari ; dans le Seigneur, c’est ce qui convient. » Mais nous aurions tort de nous en agacer : et ceci pour deux raisons. Premièrement, c’était probablement une phrase habituelle à l’époque puisqu’on la trouve aussi dans la première lettre de saint Pierre (1 P 3,1), et lui, on ne l’a jamais accusé de misogynie ! Deuxièmement, la soumission au sens biblique n’a rien à voir avec de l’esclavage ! Dans une société fondée sur la responsabilité du père de famille, ce qui était le cas au temps de Paul, c’est lui (le père de famille) qui, de droit et de fait, a le dernier mot ; Paul commence donc par dire la phrase que tout le monde attend : « femmes soyez soumises à vos maris » mais il continue par une phrase extrêmement exigeante adressée aux maris, et celle-là, on ne l’attendait pas ! « Et vous les hommes, aimez votre femme, ne soyez pas désagréables avec elle. » Pour lui, il va de soi que l’époux chrétien est, dans toutes ses paroles, inspiré uniquement par l’amour et le souci des siens ; dans un tel contexte, la femme n’a aucune raison de se rebiffer devant des paroles qui ne sont que tendresse et respect ; on retrouve là le thème biblique habituel de l’obéissance : le croyant n’a aucun mal à mettre son oreille sous la parole de Dieu (c’est le sens du verbe « obéir-obaudire ») parce qu’il sait que Dieu est Amour. ————————————————————————————————————————————— Note Toutes les vies, toutes les destinées s’appuient les unes sur les autres. Saint Pierre et saint Paul comparent les communautés des hommes à des constructions de pierres vivantes qui doivent leur solidité à leur cohésion. Se « supporter » ne veut donc pas dire accepter en soupirant les inévitables défauts des uns et des autres, mais, plus positivement, s’étayer mutuellement, compter les uns sur les autres pour tenir debout dans la vie.

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Évangile.

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MATTHIEU 2, 13-15.19-23

13 Après le départ des Mages,
    voici que l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph
    et lui dit :
    « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère,
    et fuis en Égypte :
    Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse,
    car Hérode va rechercher l’enfant,
    pour le faire périr. »
14 Joseph se leva ;
    dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère,
    et se retira en Égypte,
15 où il resta jusqu’à la mort d’Hérode.
    pour que soit accomplie
    la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
    « D’Égypte, j’ai appelé mon fils »…
               

19 Après la mort d’Hérode,
   voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte
20 et lui dit :
   « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère,
   et pars pour le pays d’Israël,
   car ils sont morts,
   ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. »
21 Joseph se leva,
   prit l’enfant et sa mère,
   et il entra dans le pays d’Israël.
22 Mais, apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée
   à la place de son père Hérode,
   il eut peur de s’y rendre.
   Averti en songe,
   il se retira dans la région de Galilée
23 et vint habiter dans une ville appelée Nazareth,
   pour que soit accomplie la parole dite par les prophètes :
   « Il sera appelé Nazaréen. »

Commentaires écrits de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.

MOÏSE ET JÉSUS, DEUX RESCAPÉS, DEUX LIBÉRATEURS

L’aventure de la « sainte Famille » en Égypte fait spontanément penser à une autre aventure d’une autre famille, douze siècles auparavant sur cette même terre d’Égypte. Le peuple d’Israël y était en esclavage. Le Pharaon avait ordonné de tuer tous les garçons à la naissance. Un seul avait échappé, celui que sa mère avait déposé sur le Nil dans une corbeille bien calfeutrée : Moïse. Cet enfant, sauvé de la cruauté du tyran allait devenir le libérateur de son peuple… Et voilà que l’histoire se renouvelle : Jésus a échappé au massacre… Il va devenir le sauveur de l’humanité. Matthieu nous invite certainement à faire le rapprochement : à nous de découvrir que Jésus est le nouveau Moïse ; ce qui veut dire que l’une des promesses de l’Ancien Testament est accomplie ; car Dieu avait dit à Moïse : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. » (Dt 18,18).

Deuxième signe de l’accomplissement des Écritures d’après Matthieu : la phrase « D’Égypte, j’ai appelé mon fils ».  C’est une citation du prophète Osée ; elle signifiait la très grande tendresse de Dieu qui agissait envers Israël comme un père : voici la phrase d’Osée : « Oui, j’ai aimé Israël dès son enfance, et pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils ». (Os 11,1)1. Le prophète parlait bien du peuple d’Israël tout entier ; mais saint Matthieu, lui, l’applique à Jésus seul… Comme si Jésus représentait en quelque sorte le peuple élu tout entier. C’est peut-être une manière de nous dire : « Jésus est le Nouvel Israël. C’est lui qui accomplit l’Alliance que Dieu avait proposée à son peuple ». Le titre de « fils de Dieu » était également appliqué à chaque roi le jour de son sacre et était devenu peu à peu un des titres du Messie ; en l’appliquant à Jésus, Matthieu nous signale certainement Jésus comme le Messie.

Enfin, les contemporains de Jésus ne pouvaient pas imaginer que le Dieu unique ait un fils, mais quand l’écrivain Matthieu rédige son évangile, longtemps après la Résurrection de Jésus et la venue de l’Esprit Saint sur les croyants, ceux-ci ont découvert que ce titre de Fils de Dieu appliqué à Jésus voulait dire encore beaucoup plus : il est vraiment Fils de Dieu, et Dieu lui-même, au sens de notre credo actuel : « Il est Dieu, né de Dieu, engendré non pas créé… consubstantiel au Père et par lui tout a été fait ».

Troisième signe de l’accomplissement des Écritures d’après Matthieu : « (Joseph) vint habiter dans une ville appelée Nazareth, pour que soit accomplie la parole dite par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen. » Le petit problème pour nous c’est que jamais dans les Écritures il n’est dit que le Messie sortira de Nazareth ! Et d’ailleurs le nom même de Nazareth n’est jamais cité dans l’Ancien Testament, ce qui veut dire tout simplement qu’il ne s’était jamais passé quoi que ce soit d’important dans ce village avant le temps de Jésus. Est-ce cela justement qui intéresse Matthieu ? Une fois de plus Dieu a surpris les hommes, il a choisi ce qui apparaissait insignifiant.

IL SERA APPELÉ NAZARÉEN

D’autre part, il ne faut pas l’oublier, l’oreille juive de Matthieu est très sensible aux assonances : or le mot « Nazareth » est très proche du mot hébreu « Netser » qui signifie « rejeton » et qu’on appliquait au Messie, rejeton attendu sur la souche de David. C’est très proche aussi du mot « nazir », ces juifs très pieux qui se consacraient à Dieu et prononçaient des vœux. L’homme de Nazareth méritait bien au moins ce titre-là. Enfin, le mot Nazareth peut être rapproché d’un verbe (natsar) qui signifie « garder » : Jésus comme Marie méritent bien le nom de « gardiens » (de l’Alliance). Quand Matthieu écrit la dernière rédaction de son évangile, les chrétiens sont traités du terme de Nazaréens qui n’a rien de flatteur dans la bouche de leurs adversaires (on en a la preuve dans le livre des Actes des Apôtres) ; l’évangéliste trouve certainement bon de leur rappeler que leur maître portait le même titre qu’eux et que ce titre que l’on voulait péjoratif était en réalité magnifique. C’est donc peut-être un message d’encouragement et de réconfort que Matthieu leur adresse, du genre : « Jésus, lui aussi, était traité avec mépris, comme vous, et c’était pourtant bien lui le Fils de Dieu ».

Voici donc déjà dans notre texte d’aujourd’hui trois titres de Jésus : « Nazaréen », « nouvel Israël, « nouveau Moïse ». Maintenant, pour comprendre la portée du message de Matthieu, il faut regarder la composition de ce passage : vous l’avez remarqué, on pourrait dire qu’il y a deux actes dans ce récit. Premier acte : ce qu’on a appelé « la fuite en Égypte » ; deuxième acte : le retour d’Égypte. Et, curieusement, ces deux actes sont construits exactement de la même façon.

L’auteur rappelle d’abord le contexte historique. Dans un cas, c’est « Après le départ des Mages », dans l’autre « Après la mort d’Hérode » ; puis, chaque fois, une apparition : l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph la nuit, et lui donne un ordre : la fuite, puis le retour. Joseph se lève et obéit. Et, dans les deux cas, l’auteur conclut : « Pour que soit accomplie la parole dite par le prophète » (ou « par les prophètes »)». Cette construction en parallèle montre bien qu’il faut aussi mettre les deux citations en parallèle. « D’Égypte, j’ai appelé mon fils » … « Il sera appelé Nazaréen ».

Ce rapprochement entre le titre peu flatteur de « Nazaréen » et le titre de « Fils de Dieu » est donc certainement voulu par Matthieu. Manière de nous dire : « Préparez-vous, ce Messie ne se présente pas comme on l’attendait ».

Du coup nous comprenons mieux pourquoi nous lisons ce texte pour la fête de la sainte Famille : Jésus est Fils de Dieu et pourtant il sort de ce pays perdu de Nazareth. On ne peut pas trouver de paradoxe plus étonnant… Mais c’est bien le nôtre : chacun d’entre nous, chacune de nos familles vit une histoire divine dans la réalité la plus banale de son histoire humaine.

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Note

1 – La citation de la phrase du prophète Osée n’est pas exactement la même dans le texte hébreu et dans sa traduction en grec ; mais cette différence est très instructive. En hébreu, on peut lire « Dès l’Égypte, je l’appelais mon fils » ; ce qui veut dire : « Dès ce temps-là, alors qu’il était esclave en Égypte, j’aimais ce peuple comme un père aime son fils ». En grec, la phrase est devenue : « D’Égypte j’ai appelé mon fils », c’est-à-dire « je l’ai libéré, je l’ai fait sortir d’Égypte ». Ces deux manières de comprendre la phrase du prophète Osée ne sont pas contradictoires, elles se complètent. Israël a fait l’expérience de l’amour paternel ET libérateur de Dieu.

Commentaires vidéo de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.

Homélie du père Antoine Odendall, pour Culture-Bible. Merci à Cathoglad !

Homélie / étude biblique du père Julien Fleuy, du diocèse de Marseille, pour Culture-Bible.

Homélie à la cathédrale Notre-Dame du Paris.

Méditation du père Gilles Vadon, prêtre du diocèse de Lyon et membre de la famille du Prado.

Homélie de Mgr Michel Aupetit.

Commentaires du père Hervé-Marie Hignard.

Homélie du père Thibaut du Pontavice à l’église de Bruz le dimanche 29 décembre 2019.

Commentaires du frère Clément Binachon, pour Cathoglad, dans « Évangile et Parole du jour ».

Méditation d’Étienne Tarneaud . Je vous invite à vous abonner gratuitement à ses méditations sur WhatsApp (le contacter au 06 20 14 00 33).

Commentaire de Thierry Jallas.

Comme d’habitude, j’essaie de faire le lien entre les Écritures et la DSÉ (Doctrine Sociale de l’Église), notamment le principe personnaliste. Pour rappel, une formulation de celui-ci se trouve à l’article 135 du Compendium (de la DSÉ) :
« L’homme ne peut tendre au bien que dans la liberté que Dieu lui a donnée comme signe sublime de son image. […] La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure. »

Dans la lettre de Paul, je soutiens l’avis de Marie-Noëlle Thabut que la soumission n’a rien à voir avec de l’esclavage. Je crois qu’être soumis à quelqu’un, cela veut dire « ne pas chercher à commander celui-ci, à prendre le pouvoir sur lui, à le dominer ». C’est pour cela que Paul peut écrire « Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres » (Ep 5, 21). La relation de maître à esclave n’est pas bijective, contrairement à celle de frère à frère, d’époux à épouse. Être soumis les uns aux autres, c’est respecter la liberté d’autrui, conformément au principe personnaliste, c’est mettre en application l’enseignement du Christ : « Les chefs des nations les commandent en maîtres et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi. » (Mt 20, 25b-26a). 

Commentaires vidéo complets (4 lectures) de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.

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