Contrainte psychologique

Syndicatho

Le principe personnaliste proscrit le recours à la contrainte.
Celle-ci peut revêtir au moins deux aspects : la contrainte physique, d’une part, et la contrainte psychologique, d’autre part.
C’est de cette dernière que nous traitons ici.

Nous nous inspirons, pour cette présentation, des enseignements de Jacques Salomé, Thomas d’Ansembourg et Jean-Jacques Crèvecœur.

 

Présentation.

La contrainte psychologique c’est grosso modo ce que certains appellent manipulation et que Jean-Jacques Crèvecœur nomme “(tentative de) jeu de pouvoir”. Dans la plupart des cas, cette contrainte est mise en place inconsciemment, par une personne bien intentionnée, bienveillante.

La notion de jeu de pouvoir est une des plus importantes de celles présentées par Jean-Jacques Crèvecœur, dans son livre “Relations et jeux de pouvoir” ainsi que dans la formation ARA (Atelier des Relations Authentiques et respectueuses) qu’il dispense en ligne, et que nous ne saurions trop recommander.

Une contrainte psychologique de A (l’auteur de la contrainte) sur B (la victime) se met en place progressivement, par étapes, jusqu’à l’abandon de la victime (si elle a réagi de façon inappropriée) ou de son auteur (si la victime a réagi de façon appropriée). Dans le premier cas, la relation n’est pas gagnant/gagnant mais perdant/perdant.

 

En quoi consiste une contrainte psychologique ?

Une contrainte psychologique de Pierre sur Marie consiste, pour Pierre, à (tenter de) faire faire, faire dire, faire penser, faire ressentir quelque chose par Marie, en cachant son intention à Marie et en étant lui-même le plus souvent inconscient de cette intention.

 

À quoi reconnait-on une contrainte psychologique ?

Les caractéristiques principales d’une contrainte psychologique de Pierre sur Marie sont les suivantes.

  1. Pierre a un projet ou une attente cachée (et, le plus souvent, inconsciente) sur Marie.
  2. Pierre exerce une pression psychologique (urgence, culpabilisation, disqualification, victimisation, exagération, jugements, …) sur Marie.
  3. Pierre masque (dissimule, cache) ou travestit (déforme, falsifie) sa réalité (i. e. sa situation, sa préoccupation, son désir, sa demande, son attente, son projet …).
    Nous croyons que prendre le pouvoir sur autrui nécessite de petits “arrangements” avec la vérité, car “la vérité vous rendra libres”, comme disait le Christ (Jn 8, 32).
  4. Le plus souvent, Marie dispose d’indices lui permettant de prendre conscience de la contrainte psychologique initiée par Pierre : Marie ne bénéficiera de ces indices que si elle est attentive à son ressenti, ses émotions (désagréables) et que si ces émotions ne la submergent pas, ne l’empêchent pas d’utiliser sa raison, son bon sens. Ces indices sont souvent des distorsions entre le message implicite et le message explicite envoyés par l’auteur : ses paroles semblent contredites par ses actes et son langage corporels. (ex : il vous dit que vous pouvez le croire, mais semble vous mentir, ou il vous dit qu’il veut votre bien mais il semble vouloir vous voler).

 

En quoi consiste un combat psychologique ?

Après une pression psychologique initiale (PPI) de Pierre sur Marie, un combat psychologique s’engage entre Pierre et Marie si celle-ci surenchérit par une contrainte psychologique sur Pierre. Si Marie cède d’emblée à la contrainte initiale, sans que son choix soit conscient et libre, il y a bien combat et celui-ci s’achève prématurément par KO de Marie, pour faire une analogie avec la boxe : la contrainte psychologique a abouti, l’auteur de la PPI a obtenu le résultat qu’il espérait.
Il est recommandé à Marie, pour respecter sa dignité et celle de Pierre, conformément au principe personnaliste, de refuser l’affrontement psychologique (voir plus loin comment).
La PPI de Pierre sur Marie ne respecte pas la dignité de celle-ci, puisqu’elle vise (le plus souvent inconsciemment, rappelons-le !) à faire que Marie n’agisse pas de façon consciente et libre, mais sous l’effet de la contrainte psychologique de Pierre.

 

Quelques exemples de pression psychologique initiale.

  Caractéristique 2  Caractéristique 3
 “Tu ne veux pas profiter du soleil pour aller marcher ?”  Faire miroiter un avantage (le soleil) à Marie. Pierre travestit son désir en désir de Marie.
 “Ton père n’aurait pas voulu ça”  La fidélité filiale. Pierre travestit son désir en désir d’un tiers, absent.
 “Refuser de porter le masque est égoïste et irresponsable”  La norme sociale. Pierre travestit son opinion en norme éthique (-> jugement)
 “Après tout le mal que je me suis donné pour toi, comment peux-tu dire ça ?”  La culpabilisation pour non-reconnaissance à l’égard de Pierre. Pierre travestit son désir en norme éthique (-> jugement).
 “J’aimerais aller à ce mariage mais je n’ai pas de voiture”  Inciter Marie à jouer le rôle du sauveur. Pierre dissimule son désir (que Marie lui prête sa voiture).
 “Tu y crois, à ces fadaises ?”  Passer pour un fada est incompatible avec l’amour propre de Marie. Pierre travestit son opinion (“ce sont des fadaises”) en réalité objective (-> jugement).
 “Personne ne m’aime, dans cette famille !”  Si Marie ne cède pas à Pierre, cela confirmera à celui-ci que personne ne l’aime ! Pierre transforme son ressenti (“Je ne me sens pas aimé”) en réalité objective (-> jugement) et l’exagère (“Personne !”)
“Il faut vous décider tout de suite ! Après, il sera trop tard.”  L’urgence panique Marie et l’empêche de mûrir sa décision Pierre “invente” une urgence qu’il sait être fausse.

 

Comment réagir de façon inappropriée à une Pression Psychologique Initiale (PPI) ?

Une mauvaise réaction, face à une PPI, dans l’hypothèse où Marie ne souhaite pas répondre favorablement à l’attente cachée de Pierre, consiste, au choix, à

  1. céder (se plier à l’attente implicite de Pierre : Marie ne respecte alors pas sa propre dignité),
  2. résister à la PPI, par exemple en argumentant en sens opposé à Pierre,
  3. ignorer l’attente cachée de Pierre, faire comme si elle (Marie) ne l’avait pas perçue.

Dans le 1er cas, Marie ne se respecte pas.
Dans les 2 suivants, elle collabore activement à faire réussir la CP par un mécanisme que Jean-Jacques Crèvecœur appelle la “complicité circulaire”, où l’on retrouve les mêmes caractéristiques que dans la PPI. Marie ne respecte pas la dignité de Pierre, parce qu’elle n’aide pas celui-ci à prendre conscience de son attente implicite vis-à-vis d’elle et de la contrainte qu’il est en train d’exercer sur elle ; de plus, elle lui cache sa propre réalité, notamment son intention de ne pas répondre favorablement à son attente cachée et donc son intention de le décourager. Par son attitude, Marie exerce inconsciemment une contrainte psychologique sur Pierre, non conforme au principe personnaliste.

Comment réagir de façon appropriée à une PPI ?

Nous ne rentrerons pas ici dans les détails, mais voici très succinctement quelques points que nous avons retenus d’ARA.

Les réponses inappropriées 2 et 3 engagent  dans une dynamique relationnelle énergivore : chacun va dépenser une énergie considérable pour un résultat très médiocre. Un peu comme deux boxeurs qui s’affrontent pendant 12 rounds. À la fin, peut-être que l’un des deux sera déclaré vainqueur, mais les deux auront dépensé une énergie considérable et termineront le combat dans un état très dégradé par rapport à celui qu’ils avaient avant de commencer.

  • Au lieu de cela, Jean-Jacques Crèvecœur propose d’adopter une stratégie qu’il appelle “aïkido relationnel”.
    Elle ne consiste ni à céder, ni à résister en faisant face, mais à faire un pas de côté, à s’effacer, pour esquiver et ne pas être emporté par l’autre sur son passage.

    Une vidéo d’aïkido peut permettre de mieux comprendre l’esprit de cette stratégie.
  • Tout comme une autre vidéo, de sumo, cette fois-ci, où le tchèque Takanoyama utilise cette stratégie de l’esquive (ex : vers 1’15”) pour décourager son adversaire.
  • Dans tous les cas, il est essentiel de viser à ce que chacun s’exprime (lui et lui seul, c’est à dire sans prétendre exprimer autre chose que ce qu’il porte en lui-même) le plus explicitement, le plus sincèrement et le plus complètement possible : ce qu’il ressent, ce qu’il pense, ce qu’il espère, quels sont ses besoins qui sont en jeu, etc.
    Et cela nous semble logique. En effet, communiquer consiste à mettre en commun des informations. Et nous ne sommes légitimes à mettre en commun que les informations qui nous appartiennent personnellement, en d’autres termes, notre réalité (c’est une expression utilisée par Jean-Jacques Crèvecœur), nos IPC (Informations de Première Conscience – par analogie avec les objets de première main) : ce que nous ressentons, ce que nous pensons, ce que nous espérons, ce que nous savons, etc.
  • Pour apprendre, concrètement, à réagir de façon adéquate à une PPI, nous recommandons de suivre les formations de Thomas d’Ansembourg (à la communication non violente), Jacques Salomé (ESPERE) ou Jean-Jacques Crèvecœur.
  • Tout ce qu’enseignent les formateurs en communication, comme Jean-Jacques Crèvecœur, Jacques Salomé et ses élèves enseignant la méthode ESPERE, ou Thomas d’Ansembourg, revient, finalement, à permettre à Pierre et Marie de respecter le principe personnaliste, à collaborer à rechercher le bien commun, au lieu de s’affronter ! Pour le dire autrement, c’est le chemin pour “aimer son prochain comme soi-même”, chemin que le Christ invite les hommes à suivre pour trouver le bonheur. Suivre ce chemin nécessite toujours, croyons-nous, de changer notre regard sur l’autre (et sur nous-même) chaque fois que c’est nécessaire, c’est à dire chaque fois que nous ne portons pas envers l’autre (ou nous-même) un immense et inconditionnel respect.
 
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