“Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! ” : des Rameaux à Pâques”
Dimanche dernier était, pour les chrétiens, le dimanche des Rameaux et de la Passion.
Exceptionnellement, la liturgie leur permettaient d’entendre deux passages de l’Évangile.
Le premier (Mt 21, 1-11), lu à l’extérieur de l’église, devant le porche, rameaux à la main, raconte l’entrée triomphale du Christ, à Jérusalem, peu de temps avant d’y être arrêté, jugé, condamné et crucifié.
Le second (Mt 26, 14 – 27, 66), lu plus tard, à l’intérieur de l’église, raconte la Passion du Christ.
Ces lectures nous semblent apporter un formidable éclairage pour tous les hommes en quête de liberté.
Comme nous en avons pris l’habitude, nous rappelons que nous ne prétendons pas détenir la vérité : nos articles ne traduisent que l’opinion de leur auteur et toute opinion divergente nous semble infiniment respectable.
Dans le premier épisode, le Christ entre à Jérusalem, monté sur un âne, symbole de sa pauvreté, de sa fragilité, de son humilité. Il est acclamé comme le sauveur, le “Messie” (c’est à dire “frotté d’huile, oint”), par des “Hosanna” (c’est à dire “Sauve (libère), de grâce”) : à l’investiture de chaque nouveau roi, le peuple espérait que celui-ci serait enfin le descendant de David qui libèrerait son peuple.
Comme le raconte la bibliste Marie-Noëlle Thabut dans la vidéo ci-contre, le roi était consacré par une onction d’huile et était appelé Messie. La libération attendue était une libération politique et, à l’époque du Christ, il n’y avait plus de roi en Israël, mais le peuple attendait toujours la venue du Messie, celui qui les délivrerait de l’envahisseur romain !
Peu de temps après, se situent les évènements racontés dans le second épisode : la Passion.
Intéressons-nous aux quelques versets (37 à 44) du chapitre 27 de saint Mathieu, où certains se moquent du Christ en croix :
37 Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. »
38 Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche.
39 Les passants l’injuriaient en hochant la tête ;
40 ils disaient : « Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! »
41 De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant :
42 « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui !
43 Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : “Je suis Fils de Dieu.” »
44 Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière.
À vues humaines, ces moqueries étaient parfaitement justifiées : Jésus prétendait être le Messie, le Roi des Juifs, celui qui allait libérer son peuple, il s’était pourtant fait clouer sur une croix et ne semblait pas capable d’en descendre !
La résurrection du Christ, que les chrétiens célèbrent en ce jour de Pâques, manifeste à leurs yeux que Jésus, vainqueur de la mort, est bien le Messie, le roi de l’univers, le sauveur, le libérateur attendu.
La Passion leur montre la voie à suivre pour collaborer au projet divin de libération de l’humanité : non pas par la voie de la force, de la contrainte, mais par celle de la liberté intérieure : en acceptant la souffrance et la mort sur la croix, le Christ leur en montre l’exemple le plus édifiant qui soit (“Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime” Jn 15, 13). Après avoir encouragé ses disciples, bien avant cet épisode de la Passion, à aimer leurs ennemis (Mt 5 38-45)
“38 Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent.
39 Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre.
40 Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau.
41 Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui.
42 À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos !
43 Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.
44 Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent,
45 afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.”,
le Christ en croix complète son enseignement en priant à voix haute : “Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font.” (Lc 23, 34) !
Si nous croyons à la pertinence de cette leçon, il ne nous reste plus qu’à l’appliquer en
– cessant de croire que nous pouvons durablement nous libérer de la contrainte d’autrui sans commencer par nous libérer intérieurement (ce qui, de plus, ne dépend que de nous) ;
– comprenant que l’autre ne respectera notre liberté extérieure que lorsqu’il sera libre intérieurement ;
– acceptant l’idée que notre complète liberté extérieure ne pourrait être assurée que par la complète libération intérieure de tous ceux qui nous entourent ;
– réalisant que c’est, comme l’a fait le Christ, par l’exemplarité de notre liberté intérieure que nous pouvons donner envie aux autres d’acquérir cette même liberté.
Concrètement, il nous semble que cela nous invite à faire preuve, vis-à-vis d’autrui et de nous-même d’un respect, d’un amour inconditionnels (en pardonnant inconditionnellement à ceux qui nous font du mal, par exemple), comme nous y invitent l’Évangile et la DSÉ (le principe personnaliste).
L’erreur des grand prêtres, scribes et anciens a été de dire « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : “Je suis Fils de Dieu.” »
En effet, Dieu ne raisonne pas comme nous : c’est en acceptant librement de se laisser crucifier sur la croix que le Christ nous montre la seule voie possible pour accéder à la liberté intégrale (celle du Christ ressuscité) : commencer par notre liberté intérieure.
Thierry Jallas, président de Syndicatho.
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